Editorial : Entrechats européens à Pékin

A Pékin, les 6-7 janvier, Michel Barnier, Commissaire européen au Marché intérieur et aux services, faisait le point avec le ministre des Finances Lou Jiwei (cf photo)  et les patrons des commissions (CBRC, CIRC, CSRS). 

Il s’agissait de convaincre la Chine d’avancer avec l’Europe, sur un dossier sur lequel les relations Chine/Occident buttent depuis 20 ans : l’ouverture de ses banques, assurances et services, au-delà des simples 2% du marché concédés à ce jour, après 15 ans d’OMC. 

En huit années de mandat à la Commission de Bruxelles, M. Barnier est un homme qui a appris comment préparer des décisions complexes avec des collègues d’autres pays, qu’il faut convaincre en dépassant l’écart des cultures. Aussi, à Pékin, il apportait de longues fiches en mandarin explicitant le travail réalisé dans l’UE depuis 2008 pour sortir de la crise : les directives et lois pour réduire la dette, les garde-fous aux 8300 banques et cette « construction révolutionnaire » de l’Union Bancaire qui vise à supprimer les garanties discrétionnaires des 28 Etats sur leurs banques. 

Les premiers fruits de l’effort de lutte anti-crise furent aussi évoqués. En 5 ans, le dépassement budgétaire des 28 Etats a été ramené de 7 à 3,2%, et l’endettement moyen, stabilisé à 95% du PIB – il devrait redescendre en 2015. Surtout, après une récession en 2013 de –0,4%, l’UE doit repasser à +1,1% de croissance en 2014 et 1,7% en 2015 : le pire est passé. Le commissaire pouvait affirmer que l’UE, frappée par la crise de 2008, « a fait ce qu’elle avait dit », et remercier Pékin « d’avoir gardé confiance en l’Euro ». 

Ce genre de discours n’a sans doute pas laissé les dirigeants chinois indifférents. En effet, toutes ces nouvelles formes de gestion testées dans l’UE depuis 5 ans, ont un air de famille avec les situations similaires en Chine : les dettes des Etats européens reflètent celles des 31 provinces chinoises, et les techniques pour forcer les pouvoirs nationaux européens à contenir leurs dépenses, pour les sauver de l’insolvabilité sous condition, pourraient donner l’inspiration sur la marche à suivre dans l’Empire du Milieu. 

Aussi avec l’équipe de Xi Jinping, M. Barnier plaida pour aller plus loin, afin d’échanger du développement dans des secteurs de pointe telle l’urbanisation ou l’environnement. Les négociations approchent (sans doute pour l’automne, après les élections européennes de mai) pour un traité bilatéral de protection des investissements, similaire à celui déjà en chantier entre l’Union et les USA. M. Barnier milite aussi pour une entrée chinoise au GPA, traité multilatéral (de l’OMC) à 17 signataires, sur l’ouverture mutuelle des marchés publics. 

La Chine est-elle prête, à ce stade, à adhérer à ces outils juridiques qui l’obligeraient à ouvrir ses marchés des assurances, des banques et ses marché publics ? « Trop tôt pour le dire, répond Barnier, mais la nouvelle équipe de Xi Jinping apporte une ouverture, un style frais indiscutable  ».

Mais un point est resté dans l’ombre durant le séjour pékinois du commissaire : Barnier est vice-président du PPE (centre droit), un des partis poids-lourds au Parlement européen, dont le prochain scrutin législatif désignera, en plus des élus de la prochaine législature, le Président de la commission, relayant le portugais Manuel Barroso. Sera nommé, en principe, le candidat du parti vainqueur. 

Le bruit court que Xi, en mars 2014, en route pour Paris, les Pays-Bas et Berlin, ferait aussi étape à Bruxelles – il aurait accepté cette invitation faite par Barroso. Une telle visite, dit M. Barnier, exprimerait la « reconnaissance par la Chine de la réalité européenne, en train de se consolider ». Il se trouve qu’elle coïnciderait, début mars, avec la sélection par le PPE de son poulain.

En tout cas, pas par hasard, Olli Rehn, autre commissaire candidat à ce même poste (actuel vice-Président de la Commission, chargé de l’Economie) arrive cette semaine à Pékin et M. Schulze, l’actuel Président du Parlement et candidat du groupe socialiste, cherche aussi une date pour s’y rendre. Aucun doute, pour le futur patron de l’administration eurocratique, le passage à Pékin est une étape incontournable.

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