Le mode opératoire de la percée chinoise en
mer de Chine est bien défini et la pratique rodée : le 01/05, la CNOOC (groupe pétrolier) faisait remorquer sa plateforme de forage Haiyang Shiyou 981 (un titan, d’un investissement d’1 milliard de $) à 200 km des côtes vietnamiennes, proche des îles Paracelse (sous contrôle chinois depuis 1974), en des eaux revendiquées par les deux pays. Face à cinq pays riverains, la Chine revendique la quasi-totalité de cette Méditerranée d’Asie. <p>Le 03/05, Pékin décrète une zone d’exclusion de 1,8 km autour de cette base, élargie à 5,5 km le 05/05. Entretemps, Hanoï proteste et envoie une flottille le 04/05. 80 navires « civils » chinois, policiers et militaires l’accueillent et n’hésitent pas à enfoncer les coques deux garde-côtes, selon Hanoï. La Chine elle, affirme que ce sont les navires vietnamiens qui ont chargé 171 fois.Puis Pékin condamne le « harcèlement » du petit voisin, exige le retrait de ses bateaux, et conclut que son pas en avant est « légal et normal ».
Les réactions ne manquent pas : cette intrusion perturbe les voisins, inquiets pour leurs zones de souveraineté. Yoshihide Suga, chef du cabinet japonais, affiche la « profonde préoccupation » de son pays. Les Etats-Unis de même. Pourtant, au même moment, le Japon prépare à l’automne une reprise du dialogue avec la Chine, car entre les deux pays, le climat est épouvantable. Le moment est mal choisi pour soutenir plus le Vietnam.
Aussi, avec la marine vietnamienne, un clash n’est pas à exclure. Mais vu la quasi-impossibilité d’une intervention extérieure, il sera éphémère.
Les Philippines, pendant ce temps-là, capturent dans des eaux proches de leurs côtes, un chalutier chinois pris sur le fait à braconner 500 tortues, espèce protégée. Pékin exige la libération de ce navire pris sur « ses » eaux. Pour l’instant, Manille refuse.
C’est ainsi que pas à pas, la Chine rédige un nouveau droit maritime en sa faveur. En cela, elle n’agit pas autrement qu’autrefois toutes les puissances maritimes, Royaume Uni, France, Etats-Unis entre autres…
Il existerait bien une alternative : une coalition de défense, chapeautée par les Etats-Unis. Mais les USA sont loin de leurs bases, et ces petits pays du Sud-Est asiatique sont encore à des années lumières d’une telle coopération, faute de tradition historique en ce sens, voire de base institutionnelle (pas même l’ASEAN, noyautée par la Chine).
Seul manque à gagner pour la Chine : son action quasi-militaire va à l’encontre de ses efforts pour une image de « soft power », contrée bienfaitrice et partenaire fiable pour ses voisins. Mais Pékin par ailleurs, tente de se rattraper par le commerce, ses investissements à l’étranger, son aide au développement. Et le temps joue en sa faveur : dans son irrésistible montée en puissance, la prise de la mer de Chine, c’est pour maintenant, et la construction d’une Asie gravitant autour d’elle, c’est pour demain.
Sommaire N° 19