Après la visite de Xi Jinping en Europe ( 22 mars – 1er avril), il fallait bien que Li Keqiang, le 1er ministre, parte pour l’ Afrique, histoire de rassurer ce partenaire privilégié. Aussi le 5 mai, il s’envolait pour l’ Ethiopie, avant de de poursuivre 7 jours entre Nigéria, Angola et Kenya.
Dès la 1ère étape à Addis-Abeba, Li Keqiang tirait sa grosse cartouche, promettant au sous-continent d’étoffer le crédit global de 20 à 30 milliards de dollars et le fonds de développement mixte de 3 à 5 milliards de $. Il assurait que la relation entre les deux continents atteignait son « âge d’or », et qu’à travers cette mission, son pays visait moins des contrats minéraliers, qu’un développement pour l’Afrique, récipiendaire désormais de la moitié de l’aide chinoise dans le monde.
Entre ces blocs en 2013, les échanges atteignaient 210 milliards de $, et 2500 firmes chinoises opéraient sur sol africain. Tout au plus, Li admettait-il que les échanges à ce stade, souffraient de « douleurs de croissance », mais que ceci n’arrêtait pas le progrès.
D’ici 2020, Li fait miroiter pour 100 milliards de $ d’investissements (x4), 400 milliards de $ d’échanges (x2), et l’ossature d’un TGV transcontinental (sans autres détails).
Lors de son arrivée à Abudja (Nigéria), à la session régionale du World Economic Forum, la CCECC, groupe de génie civil chinois, remportait le contrat pour une ligne côtière de chemins de fer de 1385 km, pour 13 milliards de $.
Tout ceci fait bon effet, mais sur le terrain, les pays d’Afrique se font du souci. Car en fait, les investissements directs étrangers (IDE) chinois, qui y atteignaient 5,5 milliards de $ en 2008, étaient réduits de moitié en 2012. Aux années euphoriques des plans grandioses d’équipements contre minerais, succède une désillusion : l’intendance ne suit pas. Sur les dizaines de milliards de $ de projets signés en Afrique, Imani, un centre de recherche au Ghana, estime que moins de 20% des financements promis ont été honorés.
Un cas d’école est ce prêt de 3 milliards de $ consenti par la Banque chinoise du développement (CDB) au Ghana en 2011 pour diverses infrastructures dont un gazoduc offshore, qu’Accra devait payer en pétrole. Mais 36 mois plus tard, seuls 600 millions de $ ont été livrés. C’est que depuis, le cours du brut s’est érodé, et avec lui la capacité de remboursement du Ghana, lequel a aggravé son cas en omettant de respecter les délais techniques. Surtout, déplore J. D. Mamaha, le Président du pays, « la Chine est en train de changer de politique ».
Ce qui semble plausible : depuis la récession de 2008, le cours des matières premières stagne et tombe : l’obsession chinoise de s’assurer les mines coûte que coûte, ne se justifie plus. La SASAC, tutelle des consortia publics, interdit ce genre d’achats au mépris du marché, et de nombreux groupes pris dans la nasse, tentent de renégocier les contrats passés.
Un autre frein aux projets d’investissements tient aux fréquents cas de destruction de l’environnement par des groupes chinois peu scrupuleux, forçant l’Etat-hôte à réagir.
Compte aussi l’action anarchique du million « officiel » de Chinois sur son sol, cassant des dizaines de milliers de PME locales en pratiquant des prix imbattables, tout en inondant le sous-continent de faux et produits de mauvaise qualité en tous genres.
Tout ceci justifie le voyage de Li Keqiang pour rétablir la confiance, et force à la réflexion.
Pour conserver l’image d’altruisme et de bonne volonté qu’elle a construite en 60 ans d’efforts, la Chine peut-elle changer de modèle de rapport ? Et au lieu de ne traiter qu’avec les gouvernements, le faire aussi avec les citoyens ? Tel est le genre de défi auquel doit faire face aujourd’hui le pouvoir chinois sous l’angle de la gouvernance de ses affaires en Afrique.
Sommaire N° 19