Petit Peuple : Xinyu (Jiangxi) – Les trois rêves du jeune Zou Junyi (2ème partie)

Résumé de la Partie 1 : A Xinyu (Jiangxi), Zou Junyi, 9 ans, paralysé, nourrit le rêve de devenir policier. La mairie décide alors, en janvier 2014, de monter un scénario où toute la ville serait complice, lui permettant de réaliser son fantasme et d’ « arrêter deux bandits pris en plein hold-up, doublé d’une prise d’otages »…

C’était bien sûr une scène totalement improbable. A peine menottés, dans ce supermarché, les « malfrats » se retrouvaient alors libérés, et se mettaient à leur tour à applaudir le jeune en uniforme, au côté de la foule qui l’ovationnait, tandis qu’un panneau électronique flashait en diodes écarlates : « Junyi, officier de police hors pair ». Puis sur la scène du crime convertie en podium, Yan Wenjing, le maire de la ville, apparut et prononça un discours de circonstance, avant de décorer solennellement le bambin d’une médaille.

Cependant le programme des festivités était loin d’être épuisé. Le lendemain, Junyi fut reçu en grande pompe au commissariat central de Xinyu, pour une journée de présentation et d’initiation aux forces de maintien de l’ordre. Il assista aux cours des élèves officiers, à un entraînement d’un peloton d’intervention anti-terroriste. Il fut aussi invité à régler la circulation, avec un bâton électronique, depuis son fauteuil, au plus important carrefour de cette préfecture de 50.000 habitants. Il fut enfin gratifié, le soir venu, d’un adieu du commissaire en personne, qui dit en substance, au futur collègue, que « ce n’était qu’un au revoir ».
Jeune Policier Handicape Collegues

Au journaliste venu l’interviewer, le garçon, aux anges, confiait son bonheur d’avoir été reçu « officier de police anti-émeutes ». Aucun doute, une fois grand, et guéri, il entrerait dans ce corps d’élite, et continuerait à œuvrer à l’éradication des mauvaises gens. 

Depuis lors, sous l’angle de la santé, son médecin ne tarit pas d’éloges. Si les remèdes physiques sont d’une efficacité limitée, psychothérapie et thérapie vocationnelle sont fort reconnues en Occident. Or, depuis son happening public, le jeune patient donnait les signes surprenants d’un contrôle limité, reconquis sur ses membres inférieurs. Aussi inouï qu’il y paraisse, face à sa maladie en principe incurable, pour Junyi, certains espoirs semblent de mise.
Sous l’angle financier de même, pour les parents, les nuages noirs reculaient : de partout, même de l’étranger, de mains anonymes, chèques et mandats expédiés par WeChat venaient alléger la charge financière médicale. Junyi avait déjà son rendez-vous retenu auprès d’un professeur pékinois des troubles dystrophiques, dont l’hôpital promettait de réduire ses honoraires au plus juste prix. En somme, tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes : la Chine humaniste montrait son rassurant visage. 

Tout cela, au fond, avait été gagné grâce à la bonne action du maire. Brave homme, et surtout opportuniste dans l’âme, Yan Wenjing n’avait pas eu besoin de longtemps pour deviner la portée qu’aurait son initiative, tant pour l’image du Parti (d’un régime se souciant du bonheur des masses), que pour sa popularité et son avancement. Son simple petit geste pouvait se métamorphoser en un trésor inestimable « le bi de He et la perle de Sui » (和璧 隋珠, hé bì Suí zhū) – .
Le maire, il est temps à présent de le dire, n’avait même pas eu à inventer ce petit scénario du hold-up avorté par l’enfant handicapé. Celui-ci était le clone d’un mise en scène intervenue 3 mois plus tôt à San Francisco : la mairie avait dépensé 100.000$ pour permettre à un garçonnet de 5 ans, leucémique, de commettre divers sauvetages héroïques en ville, déguisé en Batman. 

Plagiat ou pas, applaudissons au sens aigu de l’à-propos de ce maire du Jiangxi. Car le transfert de technologie ne se limite pas à l’agronomie ou à l’industrie—il fonctionne aussi en matière de compassion, où là aussi, la Chine a tout à réapprendre, en terme d’aide à son prochain dans la détresse. Des démarches caritatives issues de l’étranger peuvent fonctionner en Chine – à condition qu’il y ait des gens pour les repérer et oser les appliquer. 

Enfin en conclusion, partageons notre intuition : il est bien possible que le plus fort profit de cet aimable histoire, n’ait pas été celui du jeune malade, ni celui du maire, mais celui de la ville entière, dans ses rapports sociaux. Il nous revient en effet que depuis lors, les citoyens de la ville se sourient et s’entraident davantage, ferment moins leurs portes à triple tour. Xinyu a regagné confiance en elle, dans sa capacité à faire le bien.

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