Sécurité Alimentaire : La Chine s’éveille au souci de qualité

Cet article fait suite à notre dossier spécial sur la sécurité alimentaire » – cf dernier numéro du Vent de la Chine.

En fait de sécurité alimentaire, 2008 a apporté à la fois un éveil et une rupture. A l’époque, la majeure partie des laits maternisés sur le marché, avaient été contaminés à la mélamine : 300.000 bébés avaient été touchés, dont 6 décédés. Ce scan-dale ruina la confiance des consommateurs envers le marché alimentai-re dans son ensemble, et provoqua une remise en question de la compétence des agences sanitaires. En 2013, sur 3.200 personnes interrogées, 38% estimaient encore que la sécurité alimentaire était « un très grave problème », contre 12% avant l’affaire. 

Un corps mixte d’inspection

Dès 2008 pourtant, la Chine avait commencé à battre le rappel. Elle entamait la concentration des fermes (laitières, légumes, fruits, viande), seule chance d’accéder à l’investissement et à la consolidation. Elle renforçait sa loi-cadre, et créait en 2013 une puissante FDA (Food and Drug Administration) calquée sur son éponyme des Etats-Unis, reprenant des compétences jusqu’alors atomisées entre 9 agences. Puis le 30/03, elle annonce la création d’un corps mixte d’inspection, FDA et Sécurité publique, qui visitera les fermes, centres d’emballage ou de transformation, magasins, laboratoires, usines pharmaceutiques. A travers le pays, travailleront ensemble un expert qui détectera les infractions, et le policier qui émettra les amendes, armé en cas de coup dur. 

La FDA a ouvert une ligne d’urgence (n°112331) et un site internet : en 2013, elle recevait 270.000 plaintes pour produits dangereux ou publicités mensongères. Il en résulta 43 000 enquêtes et la détention de 60 000 suspects déférés à la justice, parmi lesquels 5184 procès « majeurs » (+24%). 

Wal-Mart s’insurge du traitement réservé aux groupes étrangers

Anodine en apparence, la remarque qui suit permet d’appréhender les limites du filet de protection qui se met en place. Wal-Mart, le géant mondial (10.957 magasins dans le monde, dont 408 en Chine) ose suggérer à la FDA de ne pas focaliser ses contrôles sur les seuls groupes étrangers. Ainsi, la FDA est prise sur le fait, en train de contrôler prioritairement la grande distribution étrangère en Chine, fermant à demi les yeux sur les groupes locaux. À sa décharge, il faut dire que c’est la solution de facilité : les étrangers, non protégés, acceptent les sanctions et les amendes sans broncher. Le problème vient du fait que le commerce chinois est souvent de structure PME, donc local, et le contrôle sanitaire très régionalisé : une situation qui favorise les petits arrangements… 

Toutefois à la longue, cette « innocente » discrimination (probablement non voulue par le niveau central) se retourne contre ses acteurs : sous l’effet de la surveillance constante, des chaînes comme Carrefour (236 magasins), ont investi en lourd dans leur sécurité et traçabilité, créant des systèmes de contrôle (tests microbiologiques, contrôle à distance par un QG national…) parmi les plus avancés. Et ils ne font pas non plus dans la demi-mesure : surpris en 2013 par une fraude dans son réseau, Wal-Mart a réagi en fermant le magasin coupable, et en faisant réaliser des tests systématiques sur toute la marchandise. Suite à quoi il a écarté 300 fournisseurs, quoique ces derniers aient fourni une documentation impeccable (mais de complaisance) sur leur conformité aux normes. Ainsi, le paradoxe est qu’en frappant sélectivement les étrangers, la Chine les renforce, au risque de tuer à petit feu ses propres challengers locaux.

D’autres forces viennent enfin assister la Chine en sa longue marche vers la qualité alimentaire :
– la FDA américaine vient d’obtenir les visas pour doubler, de 13 à 27, ses inspecteurs expatriés, en quête de malfaçons sur les bases médicamenteuses exportés vers les Etats-Unis. Leurs 84 inspections de 2013 devraient doubler cette année.
– la KOF-K Kosher Supervision, organisation juive américaine, déploie un système simple mais efficace pour certifier les exports kashers de Chine. Des rabbins, experts en alimentaire, parcourent le pays, usines et abattoirs, pour assurer le respect des normes de sécurité alimentaires inscrites au Talmud—et ça marche ! 

En dépit de ces progrès, gardons un regard sobre : la Chine part de bas, et les soucis fourmillent. Le 13/04, 120 tonnes de viandes périmées du Vietnam étaient encore saisies à Nanning (Guangxi) – elles avaient jusqu’à 4 ans de congélateur. Indice que pour remonter une telle pente, il faudra 20 ans, au bas mot.

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