Taiwan : Taiwan-Chine: l’heure des frictions

75% Taiwan Reclame ReexamenDès l’élection de Ma Ying-jeou à la Présidence de Taiwan (2008), puis à sa réélection (2012), les liens avec la Chine n’ont cessé de se renforcer. En 2013, les échanges doublaient à 197 milliards de $. En 2011, un pacte commercial épargnait à Taiwan 13 milliards de $ par an de taxes à l’export, et à la Chine, 3,5 milliards de $ par an. 

En juin 2013, un accord plus ambitieux était signé, ouvrant 80 services chinois aux Taïwanais et 64 taïwanais aux Chinois: les deux « pays » s’entrouvraient mutuellement leurs marchés des banques, des compagnies portuaires, des assurances et hôpitaux

C’était très bien pour la croissance, mais aussi très bien pour un retour ultérieur de l’île à la mère patrie – et c’était le but tacite de Pékin et de Ma, un partisan avoué de la réunification. Or, les populations n’avaient pas été consultées, et ceci ne peut que mal passer à Taiwan : en cette jeune démocratie, vivant à deux pas d’un géant non-démocrate, on vit dans la hantise de perdre sa souveraineté. Aussi dès publication du pré-accord, soumis au vote du Yuan législatif (Parlement), l’opposition du DPP alertait l’opinion en vain : le nationaliste KMT (Kuomintang) de Ma avait la majorité et Ma promettait de soumettre chaque article du pacte à délibération.

Puis la semaine passée, la situation s’est radicalisée. Sur demande pressante de Pékin, Ma annonça soudain que le pacte serait voté avant fin juillet – sans débat de fond. Or, Ma, depuis des mois, pâtit d’une popularité de moins de 10%. Les prochaines élections approchent et Pékin s’impatiente, anxieuse de ne pas voir ses concessions passer aux oubliettes. En revenant sur sa parole donnée, Ma avait parié sur la passivité de la rue : et il perdit. En quelques jours, 75% de l’opinion se désolidarisa. 

Une réponse cinglante suivit : l’occupation le 18/03 du Yuan législatif, par 200 étudiants soigneusement préparés. Cinq jours plus tard, les jeunes allèrent plus loin, occupant les bureaux du 1er ministre Jiang Yi-huah, revendiquant l’abandon pur et simple du projet de traité.  La réponse de Ma Ying-jeou fut sèche : le 24/03, les étudiants étaient éjectés des locaux du 1er ministre, causant plus de 150 blessés. 62 étudiants furent arrêtés. Mais l’occupation du Parlement se poursuit, et l’image du Président en sort bien détériorée : on est retourné aux violences oubliées de l’ère de Chiang Kai-shek. Tentant de regagner la bataille de l’opinion, Ma s’adressa au public (23/03), plaidant l’importance du traité pour la croissance, et offrit aussi aux leaders étudiants de le rencontrer « sans conditions ». 

L’île, clairement, soutient ses étudiants – ils ont été dispensés de cours et 100 professeurs leur ont affiché leur sympathie. Le Président du Parlement, Wang Jin-pyng a demandé à la police de ne pas chasser les jeunes de ses locaux, et Lee Teng-hui, ex-n°1 national, adjure Ma de ne pas les prendre pour des « hooligans ». De telles positions qui frappent, quand on sait que ces deux personnalités sont du même parti que Ma…Ma, visiblement, cherche à étouffer la révolte en douceur. Mais le 27 mars, celle-ci rebondit avec force : la direction étudiante, menée par un jeune tribun, Lin Fei-fan, menace de tenir un rallye national contre le plan, si Ma ne le retire pas. Et de fait le 28 mars, le premier ministre acceptait le principe d’une « révision » de l’accord.

La veille, un journal taïwanais publiait la lettre ouverte de centaines de Hongkongais, avertissant l’île de ne pas suivre l’exemple de Hong Kong, de ne pas se laisser « sinoiser », laisser étouffer sa démocratie par une Chine autoritaire, moyennant une poignée de concessions commerciales. 

Pour la Chine, cela devrait être un avertissement très sérieux sur les limites qu’atteint sa stratégie de rapprochement. La «  diplomatie du carnet de chèques » ne fonctionne plus. Ce que les insulaires attendent, est un vrai dialogue – l’amélioration dans la gouvernance politique.

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