Petit Peuple : Lukou – Shenzhen : Quand deux sœurs échangent leurs maris (partie 2)

Echange D'epouxRésumé Partie 1 :  A Lukou (Hunan), Liu Li, jeune femme, avait épousé Feng Sheng et Liu Xiang, sa sœur, avait pris Wang Yang pour époux. Mais bientôt, les vicissitudes de la vie les amenèrent à échanger leurs maris – Liu Li et son nouvel amant habitaient à Shenzhen, tandis que la cadette et Feng Sheng restaient au berceau familial. 

L’équilibre instable du clan se rompit en 2007, quand Liu Xiang eut son second enfant, de son second mari, sans être divorcée du premier. La vieille mère fut chargée d’aller à la mairie de Lukou, enregistrer ce nouveau-né…

Acte VI : Disons le tout net, les permutations successives de maris par ses filles avaient fait perdre le nord à la vieille mère. Aussi, ne lui jetons pas trop vite la pierre : bien d’autres auraient pu s’y perdre… Qui plus est, en Chine rurale, la loi, l’administration et le cancan ne sont pas tendres avec les affaires extraconjugales, encore moins avec les entorses au planning familial. Dans la situation scabreuse où les deux sœurs s’étaient mises, le clan entier risquait son honneur et sa réputation. 

Aussi, alors que la grand-mère faisait la queue, tout comme d’autres, venus comme elle mettre à jour leur état civil, elle perdit les pédales devant tous ces curieux qui tendaient l’oreille pour ne pas perdre un mot de ce qu’elle allait à présent dévoiler.

Face à une préposée aussi avenante qu’une porte de prison, au lieu de déclarer Liu Xiang comme la mère du petit Feng Tao, comme elle aurait dû, elle s’entendit, stupéfaite, prononcer le nom de l’aînée, Liu Li, sa fille de Shenzhen. 

D’un seul tour de passe-passe, cela réglait bien des choses. Aux yeux du village, le nouveau-né était tout ce qu’il y a de plus légal, fruit des amours de Liu Li et de Feng Sheng, encore son mari devant la loi, pour quelques semaines encore. Aussi, la mamie ne devina pas les conséquences burlesques qui résulteraient de son improvisation fautive… 

Acte VII : Pendant ce temps à Shenzhen, la vie suivait son cours. Enfin libéré de son mariage avec Liu Xiang, Wang Yang et Liu Li purent enfin officialiser leur union en mars 2008, célébrée dans un modeste restaurant en présence de quelques amis. Neuf mois plus tard, presque jour plus jour, se présenta au berceau une adorable petite fille, qu’ils allèrent déclarer en toute sérénité. C’était leur droit : le 1er enfant de Liu Li ayant été d’un autre mari, il ne comptait pas selon la règle d’« un enfant par couple ». 

Seulement voilà, au bureau de la population, quand ils vinrent faire l’enregistrement, une surprise de taille les attendait : après un regard routinier sur son écran, le rond de cuir leur « rappela » qu’ils en étaient à leur second enfant, depuis l’enregistrement du 1er fils de Liu Li à Lukou, en 2007. Ils allaient donc devoir s’acquitter de la plus salée des amendes : un à deux ans de leurs salaires cumulés. 

Acte VIII : Pour le couple sûr de son droit, il n’était pas question de se faire taxer pour les autres, fussent-ils leurs ex-conjoints. Ils descendirent donc à Lukou pour tenter de faire rectifier la déclaration malicieuse de la mamie. Mais là, ils ne rencontrèrent que des cadres bornés et soupçonneux, arc-boutés sur le déni de l’erreur que Liu Li et Wang Xiang tentaient de leur démontrer. Rien n’y fit – ni patience, ni longueur de temps, ni les accès de colère théâtrale qui leur fit palpiter le cœur et « surgir la sueur froide dans le dos » (hàn liú jiā bèi, 汗流浃背). 

Acte IX : Après plusieurs mouvements pendulaires des malheureux parents entre Lukou et Shenzhen, une police excédée émit son verdict comminatoire : les quatre parents et Feng Tao, le garçonnet à la source du litige, devraient se plier à un test ADN, dans le même centre d’analyse, pour qu’on y voie clair.

Or, Liu Xiang et Feng Sheng ne comptaient pas assumer leur responsabilité : Liu Li et Wang Yang étaient les demandeurs, pas eux ! Alors ils n’avaient qu’à faire le test à Changsha, capitale du Hunan, et tout payer pour eux cinq.

Ce qui fut fait en 2014. Une fois les résultats émis, Feng Tao put changer de mère légale, et le couple de Shenzhen put finalement enregistrer leur fillette. Et tout rentra dans l’ordre – ou presque…
Sauf que Wang Yang et Liu Li réclament justice. Ils ont dû payer le transport, l’hôtel, se passer de trois jours de salaire, le tout pour 10.000 yuans…Qui va payer tout cela ? Pourquoi l’Etat ne paie t-il pas pour les expertises qu’il réclame, et pourquoi pas Liu Xiang et Feng Sheng, les responsables de la faute au départ ? 

Sur l’épineuse affaire, les juristes, les cadres s’interrogent – et la presse jubile devant cette savoureuse affaire à la Clochemerle, version chinoise méridionale !

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