Xinjiang : Attentat de Kunming – ce qui a changé

Lors de l’attentat ouïghour du 02/03 en gare de Kunming (Yunnan), la police a réagi vite: présente sur les lieux en 10 minutes, elle abattait 4 agresseurs, en blessant une autre (car le commando comptait deux femmes). Les trois derniers, en fuite, était arrêté sous 24 heures. Mais 29 voyageurs avaient été tués à l’arme blanche, et 143 blessés : traumatisme extraordinaire. 

Commentant le drame dans l’enceinte de l’ANP, Qin Guangrong, Secrétaire du Parti du Yunnan, révèle le nom du chef, un inconnu, Abdurehim Kurban. Selon lui, l’opération résulterait d’un malheureux concours de circonstances. 

Le commando aurait d’abord cherché à s’engager dans le djihad à l’étranger, et à passer au Vietnam via le Yunnan. Il aurait ensuite essayé à Canton, avec le même insuccès. C’est alors qu’il aurait décidé de retourner à Kunming pour son opération suicide. 

L’explication contredit les scénarios avancés par des experts chinois et étrangers. Ceux-ci voyaient une action préparée et calibrée. Le centre urbain, Kunming, était assez grand pour que l’attentat soit spectaculaire, mais moins protégé que les métropoles de la côte. La date, veille de l’ouverture de la CCPPC contenait un message: la Chine ne pourrait rester en paix, tant que subsisteraient ses contrôles sur la région du Xinjiang.

Or, le récit de Qin dit tout le contraire : l’action arrive presque par hasard, lancée par des désespérés, cherchant à mourir tout en faisant couler le sang… Il faut malgré tout se poser des questions sur la capacité de la Chine à détecter ces groupes à risque. 

Car ce commando de 8 Ouighours – ethnie a priori plus surveillée que d’autres – a pu se rendre à la frontière vietnamienne armé de grands coutelas, puis à Canton, chercher des passeurs, et retourner à Kunming, et enfin se ruer pour tuer sans avoir attiré l’attention. Décidément, la fameuse Commission de Sécurité créée par Xi Jinping, a du pain sur la planche. 

Quelle qu’en soit l’explication, le choc de cet attentat est historique, comparable uniquement aux soulèvements sanglants de Lhassa en mars 2008 ou d’Urumqi en 2009, loin de la côte, du cœur de la Chine moderne. La Chine doit accepter désormais l’idée qu’elle compte un terrorisme en son sein, contredisant sa vision d’elle-même comme société harmonieuse. 

Les jours suivant le crime, le pays a vu des réactions hostiles aux Ouighours, houspillés par la police ou des particuliers. Mais le 06/03, Zhu Weiqun, vice-Président à la CCPPC, avertissait l’opinion de ne pas confondre la poignée de desperados avec le peuple Ouighour, et de ne pas voir cette affaire comme un problème ethnique. 

Au même moment, Rebiya Kadeer, la Présidente en exil du Congrès Ouighour Mondial, condamnait « sans équivoque » l’acte du commando, présentait ses condoléances aux familles des victimes, et priait le gouvernement de « réagir rationnellement… sans diaboliser » son peuple. C’est précisément ce qui vient d’être fait.

Espérons ce drame a pu inspirer, aux deux bords, un sentiment d’urgence, le besoin de reprendre le dialogue pour éviter une suite encore plus grave !

Hélas à l’ANP, Nur Bekri, Président du gouvernement du Xinjiang, déclare que les preuves contre l’intellectuel Illham Tohti, arrêté pour séparatisme, « sont irréfutables ». Tohti risque la peine de mort. Bekri n’a toujours pas nommé ces preuves. Un choix de fermeté, qui ne peut favoriser la reprise du dialogue !

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