Prononcé en
ouverture du Plénum de l’ANP par le Premier ministre sortant Wen Jiabao, le rapport d’activité 2008-2013 fut un autosatisfecit, truffé de records et de chiffres flatteurs exprimant selon le cas, de vrais succès, ou des crises maquillées.Ainsi, que le PIB ait doublé dans l’intervalle (à 51900 milliards ¥) est symbole de prospérité, mais aussi de croissance toujours moins probante, basée sur l’invest public et l’export, au prix d’une course à la pollution et à la corruption. Et se targuer de recettes d’impôt doublées (à 11 milliards ¥), traduit un bien-être des cadres du Parti, et une taxation privilégiant les riches, au détriment des PME privées (pourtant les plus créatrices d’emplois).
Wen justifia tous les choix passés, du plan de secours aux sinistrés du séisme du Sichuan en 2008 (où 50% des 5 milliards $ d’aide privée furent siphonnés au passage), aux 600 milliards $ du stimulus de la même année, versé aux consortia. Le pays n’a pas fini d’en payer le prix, avec les projets faillis et non rentables qui s’accumulent, et les marécages de crédits incontrôlables qui s’ensuivent (en janvier, 60% des prêts). Aussi, l’affirmation par Wen d’une baisse des mauvaises dettes de « 6,1% à 0,95% » semble péremptoire, vues les masses énormes de crédits incontrôlables, encore disponibles aujourd’hui dans la nature.
Mais le reste du bilan reste flatteur : en 5 ans, 58,7 millions d’emplois créés, 30 millions de logis social bâti ou rénové, un parc autoroutier porté à 95.600km, et des équipements en aéroports, ports, gazoducs… qui mettent le pays en tête des nations du monde. De même, l’agriculture a connu un bond en avant, avec 300 millions de paysans raccordés à l’eau potable et le prix du blé porté à 41,7%, du riz à 86,7%. 160 millions d’écoliers bénéficient désormais gratuitement des 9 ans d’école obligatoire, y compris les livres et les repas. Clairement, Wen Jiabao, Hu Jintao et ceux ayant partagé avec eux le pouvoir, exigent de partir la tête haute.
Puis Wen passa à la partie «programme» du rapport, rédaction collective pour le compte du tandem Xi Jinping-Li Keqiang. Un détail frappe : l’absence de promesses. Tout se passe comme si le régime voulait désamorcer au plus vite les espoirs de tournant, émis par Xi depuis son arrivée aux affaires, afin de ne pas décevoir en cas de contretemps.
La réforme du Conseil d’Etat (l’apparition de quelques super ministères) n’est pas détaillée, pas plus que la suggestion d’une disparition des camps de rééducation. Autre détail qui doit être relevé : l’oubli du nouveau n°1, dans l’énoncé des leaders historiques et de leurs slogans.
Wen évoque le «socialisme à la chinoise » (pour Mao Zedong), la théorie de Deng Xiaoping, la « triple représentativité» de Jiang Zemin, le « développe-ment scientifique » de Hu Jintao. Tandis que le nom du « camarade Xi Jinpin g» n’apparaît qu’à la fin du discours, « Secré-taire Général…de la direction du Comité Central ». Ici, on sent le rôle limité du nouveau n°1. Aussi, c’est en filigrane et en formules cryptées qu’on retrouve des bribes du program-me de réformes du nouveau n°1 : la défense « des droits sur la terre accordés aux paysans par la loi », la « reconversion des migrants en citadins à part entière », la réforme du « système de gestion » des ONG.
Par la voix de Wen, Xi veut « construire un Etat de droit », garantir « que les pouvoirs de décision, d’exécution et de surveillance puissent travailler ensemble tout en se contrôlant mutuellement ». Il espère aussi « séparer l’administration de la gestion des entreprises ».
Ce sont là autant de moyens de démocratiser les rouages de la société, sans s’attaquer aux principes autoritaires du régime. Et à vrai dire, on n’a guère de preuve d’un crédo réformiste chez Xi Jinping, vu la multiplicité des discours déployés cet hiver, face à divers publics. C’est là son génie, de savoir contenter tout le monde. Mais en définitive, par son aspect terne, ce rapport peu applaudi par les 3000 édiles, plus discours de clôture que d’ouverture, laisse peu d’illusions sur le quinquennat qui s’ouvre.
Sommaire N° 9