Petit Peuple : Jinjiang – Fujian : course aux mariages-record !

Jinjiang (Fujian) est une ville bénie des dieux, berceau de nombreux millionnaires. A 54 ans, Wu Ruibiao peut se compter parmi ces gens à succès, ayant fait fortune dans la porcelaine produite en masse par sa firme Wanli.

Wu aime sa femme avec l’autorité d’un patriarche, sans lui permettre (ni à quiconque) la moindre critique. Il a été élevé ainsi, « petit dragon » avant l’heure, dressé pour le pouvoir par des parents rêvant de fortune. Un seul être échappait à sa férule autoritaire : Xiaodie (appelons-la ainsi), sa fille chérie avec laquelle il gardait une relation fusionnelle depuis sa naissance.

Curieusement la gamine n’était pas sortie perturbée par tant d’amour possessif. Modeste, plutôt mignonne, Xiaodie avait fait des études brillantes au lycée puis à l’université de Xiamen. Plutôt que la laisser s’envoler trop tôt vers de grandes universités à Pékin ou Shanghai, il l’avait fait rester dans la province, lui offrant trois ans après, en compensation, un envol vers l’Angleterre, pour parfaire sa formation dans un ruineux établissement britannique.

Tranquillement, le chevalier d’industrie préparait Xiaodie à reprendre les rênes de son empire. Avec un diplôme british en poche, il n’avait eu aucun mal à l’imposer si jeune au Comité de Direction de Wanli. Elle venait d’ailleurs de démontrer sa compétence en réussissant seule l’entrée du groupe en bourse coréenne. Avec une telle héritière, Wu Ruibiao pouvait espérer marier son royaume de faïence au fils de l’empereur de la baignoire, ou bien au grand-duc de l’eau encapsulée – histoire d’« assortir correctement les familles », (méndāng hùduì, 门当户对).

Mais soufflé par le destin imprévu et taquin, un fétu de paille était venu contrarier cet audacieux projet patrimonial : d’un amour simple mais partagé depuis toujours, la jeune fille aimait Longmei, son camarade d’enfance qui avait partagé toutes ses années, de la maternelle au gaokao. Il se peut d’ailleurs que ce sentiment ait crû, inconsciemment au moins, pour résister à la passion un peu trop exclusive que lui vouait le père. Ce jeune garçon timide, mais bûcheur, avait suivi une voie différente de la sienne : dédaignant les affaires, il passa avec succès le concours ardu d’une prestigieuse administration d’Etat.

Wu-père savait que tenter de briser cette affection ne lui servirait qu’à perdre l’amour de son héritière : mieux valait faire contre mauvaise fortune bon cœur ! Alors, à défaut d’épouser un milliardaire, il allait organiser un mariage à la hauteur, et se mesurer, en bling-bling, aux autres grands mariages de la région.

En décembre 2011, un autre nabab, Xu Lianjie, du groupe HengAn (le roi des serviettes hygiéniques et du papier toilette) avait ouvert le bal en jetant 200 millions de yuans dans l’union de sa nièce. Puis en décembre 2012 Wu Jinbiao, baron textile de Billion Industrial, renvoyait la balle avec un mariage à 250 millions. Wu Ruibiao savait ce qu’il avait à faire.

Il allait tous les laisser sur place, pâles de jalousie : pour sa Xiaodie, il craqua un milliard de yuans, pas un de moins. Le 28/12/2012, pour les noces, il fit livrer sur le lieu de la fête quatre coffrets bardés de colliers, bracelets, bagues et autre clinquaille en or massif, ainsi qu’une Mercedes, une Porsche, un livret bancaire à 8 chiffres, et un portefeuille d’actions de Wanli. 

Les tourtereaux recevaient aussi un anneau lourd des clés d’une brochette de propriétés, villa, manoir et d’un supermarché à Quanzhou…Sans oublier, pour la chance, et pour la bonne image, 15 millions offerts à deux associations caritatives de la région. Cette fois, c’était sûr, c’était lui, le roi du mariage, incontestablement le plus riche de tout le comté.

Sur internet, certains jaloux se mirent dans la peau de l’heureux jeune mari, pour commenter non sans perfidie : « décidément, c’est encore mieux que de braquer une banque, plus rémunérateur et moins risqué ». Tandis qu’un autre, plus fin, observa : « Mais cet argent ne sort de la famille. Par contre, ces médias agglutinés, ça lui fait une image pour son groupe. Ses banquiers savent maintenant qu’ils peuvent lui prêter les yeux fermés… C’est donc de l’investissement bien placé, une pub pas cher payée ! »

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
9 de Votes
Ecrire un commentaire