Lors du discours d’ouverture (05/03),
Wen Jiabao et la direction du PCC s’appliquent à maintenir une façade d’unité solidaire. Mais en coulisses, ses individualités et ses factions se déchirent entre Tuanpai pour Hu Jintao, et Club de Shanghai pour Jiang Zemin. Xi Jinping se trouve être le premier dirigeant ainsi encadré par deux prédécesseurs encore en vie dotés de factions, dont lui-même se trouve encore démuni : pour régner, il doit louvoyer entre ces clans et compter sur ses amis, heureusement nombreux sur la scène politique.Un élément perturbateur de la succession de Hu Jintao est Bo Xilai, tribun déchu et fils de la plus haute « aristocratie » révolutionnaire. Proche de Jiang, aux ambitions immenses, Bo « causa » (bien involontairement) trois scandales en 13 mois, sur fond de violence, sexe et abus de pouvoir. Chacune de ces affaires est interprétée par la rue comme une machination, parfois ourdie par un bord, parfois par l’autre !
– En février 2012, Wang Lijun, bras droit de Bo à Chongqing, se réfugie au consulat américain de Chengdu (Sichuan), puis est rapatrié à Pékin : il refuse de couvrir le meurtre d’un Britannique, N.Heywood, par Gu Kailai, épouse de Bo Xilai. Gu et Wang ont déjà été jugés et condamnés (mais pas encore Bo).
Selon la rumeur, Wang renseignait aussi Pékin voire obéissait à ses ordres. Le vrai fond de l’affaire n’est pas ce meurtre, mais une conjuration entre Bo et d’autres alliés de Jiang tels Zhou Yongkang ou Zeng Qinghong. Avec leur appui, Bo était supposé prendre le pouvoir après le XVIII. Congrès, et l’exercer dans un sens gauchiste, pour protéger les intérêts des fils enrichis des révolutionnaires de seconde génération. Cette conspiration avait été dénoncée par Wen Jiabao en mars 2012 devant la presse internationale.
– En mars 2012, le fils de Ling Jihua (bras droit de Hu) décède dans un accident en Ferrari, accompagné de deux jeunes filles. Ling tente de dissimuler l’affaire. Cinq mois après, Jiang la dévoile avec détails équivoques au sommet de Beidaihe, et exploite le choc du scandale pour défaire toute la succession préparée par Hu : au XVIII. Congrès, 5 des 7 membres du Comité Permanent sont des lieutenants de Jiang, évinçant Ling Jihua, Wang Yang et Li Yuanchao, alliés de Hu.
Selon la rumeur, l’accident de la Ferrari aurait été tramé par un haut cadre en rétorsion de la défection organisée de Wang Lijun et la chute de Bo Xilai.
– Début mars 2013, Li Tianyi, 17 ans, est accusé d’un viol collectif le 17/02. Son père, le général Li Shuangjiang, est célèbre pour ses chants révolutionnaires, et très proche de Bo Xilai.
Cet incident grave serait exploité pour détruire la réputation du général. Il s’agirait aussi d’avertir les supporters de Bo Xilai que son procès aura lieu (Bo serait nourri de force et porterait une barbe de longs mois). La police pékinoise a démenti l’annonce faite sur internet, qui tentait de clore l’affaire en déclarant que la victime avait été indemnisée, et que le jeune, encore mineur, avait agi sous l’emprise de la boisson.
On note que les affaires Wang Lijun et Li Tianyi frappent toutes deux l’entourage de Bo Xilai. Tandis que celle de la Ferrari cause préjudice à la faction de la Tuanpai.
Dans l’affaire Li Tianyi, l’auteur plausible de sa publication dans la presse, serait Xi Jinping, le nouveau n°1. Or, c’est là où les choses se compliquent : en 2008, Xi avait été désigné avec l’appui de Jiang Zemin, contre la candidature de Li Keqiang, candidat de Hu Jintao. On croit donc voir chez Xi un changement d’alliance.
Ce demi-tour a sa logique. Face au glacis conservateur des grandes familles rouges historiques et des lobbies (industriels et provinciaux) unis dans la défense de leurs privilèges, Xi Jinping, Hu Jintao, et Li Keqiang sont les seuls à vouloir réformer les institutions du pays. Ils le font, non par idéal démocratique mais conscients de l’enjeu : lâcher du lest pour sauver le Parti.
Sommaire N° 9