Editorial : Réforme monétaire : « nuit et nuages » au sommet !

Improbable et pourtant bien réelle, la croissance chinoise depuis novembre, surprend le reste de la terre. Elle ne doit rien au hasard, explique (25/02) Jing Ulrich, Présidente des « marchés globaux » chez JPMorgan : pour la seconde fois en 5 ans, l’économie chinoise est inondée de crédits, 2 540 milliards de ¥ en janvier, +160% sur 12 mois, lui permettant de résister à l’érosion de son export. 

Par rapport à 2008, une différence apparaît : seuls 40% de ces fonds viennent directement des banques. Le reste provient du « crédit de l’ombre ». Mizuho Securities évalue à 28 trillions de yuans leur masse globale (quadruplée depuis 2008), dont 40% en gestion de fortune (chez les banques, mais n’apparaissant pas dans leur bilan) 40% en prêts non-bancaires, 20% en prêts clandestins. Une bonne part de ces fonds sont le reliquat du stimulus public de 2008, aujourd’hui éparpillé dans la nature. Pour l’instant, ils maintiennent une activité florissante, enviée par le reste du monde mais au risque de multiplication des affaires insolvables. Exemple : l’ilot Phœnix (Hainan – cf photo) aux tours style « Dubaï », qui se sont vendues 150.000¥ par m2, n’en valent à présent plus que la moitié. 

Aussi l’Etat met les bouchées doubles pour calmer ce marché spéculatif. Il prépare une taxe foncière. Le 18/01, la Banque Populaire de Chine (BPdC) annonce un tableau des opérations à 7 jours, les SLOs (Short-Term Liquidity Operations), afin de les rendre visibles, tout en faisant un pas vers la libération des taux d’intérêt. Un autre fer au feu est le contrôle de la gestion de fortune et des instruments de dépôts des banques, aujourd’hui non inscrits en leur bilan. Faibles en 2008, ces placements feraient 10% des actifs des grandes banques, 20% des petites. Désormais, ils devraient être inscrits auprès du régulateur local, moins pour les taxer que pour les protéger par une vision globale, permettant d’en voir les risques. 

En même temps, on assiste aux nominations dans la haute finance, entièrement aux mains du PCC. Surprise : à 65 ans, âge de la retraite obligatoire, Zhou Xiaochuan, l’antique gouverneur de la Banque Populaire de Chine, est reconduit grâce au subterfuge administratif d’une promotion comme vice-Président de la CCPPC. Or, il était officieusement partant. Ce maintien est expliqué par le besoin de stabilité en une époque trouble, que peut offrir un expert blanchi sous le harnois. Avec doigté, Zhou accélérerait la dérégulation du yuan, et aiderait ces firmes publiques à se débarrasser de leurs prêts faillis, aux moins mauvaises conditions. 

Une autre raison se propose, plus plausible, plus gênante aussi : il n’y a pas d’ accord au Bureau Politique, ni sur des hommes, ni sur une politique financière-économique d’avenir. Aussi Zhou est-il re-conduit, mais avec moins de latitude qu’ avant, car Xiao Gang, l’ex-patron de la Banque de Chine, devrait reprendre le poste de Secrétaire du Parti à la Banque Populaire de Chine (que Zhou exerçait aussi jusqu’alors).

Dans la foulée, trois autres quasi-retraités gardent leur place à la tête de grandes banques : Guo Shuqing (CSRC – China Securities Regulatory Commission), Chen Yuan 68 ans (CDB – China Development Bank), et Li Ruogu, 62 ans (Exim Bank). Confirmant ainsi cette impression de gel de la politique monétaire ! 

Une prédiction de l’experte de JPMorgan semble cependant encourageante, conforme aux annonces du futur 1er ministre Li Keqiang : pendant 10 ans, le modèle de croissance par l’investissement public devrait évoluer, sans disparaître. Pain béni des provinces et des entreprises d’Etat, les grands chantiers d’infrastructures demeureront, mais ils changeront de finalité. L’essentiel des 30 à 40% de dividendes des Grandes Entreprises d’Etat remis en impôt à l’Etat, n’irait plus en investissement de soutien à l’export, mais au bien-être populaire, notamment dans l’urbanisation, l’environnement et la couverture sociale. Ainsi, la Chine s’engagerait dans une nouvelle voie davantage durable, sans affronter l’oligarchie, qui veut gagner du temps et garder ses privilèges. 

La question étant de savoir si ce pays fort déséquilibré par 10 ans de non réforme, peut se permettre d’attendre longtemps sans combattre ces Etats dans l’Etat, et sans se doter d’une politique claire et cohérente. Pourtant, un expert exprime sans illusion son intuition : « la réforme, la rupture, ne viendra pas de cette équipe-là » ! 

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