Diplomatie : Pékin – Moscou : quand le gaz va, tout va…

Lundi 25/02 à Pékin, Chine et Russie célébraient un accord « historique ». Moscou s’engageait à livrer 38 miliards de m3 de GNL par an dès 2015, au départ d’un terminal Gazprom à Vladivostok, et d’un autre à Yamal (joint-venture de Novatek et Total). Sous réserve de validation fin mars par Xi Jinping et Vladimir Poutine à Moscou, cet accord pourrait être le plus important jamais passé entre les deux pays, rompant avec 7 années de palabres stériles. 

Depuis 2006, la Chine revendiquait des livraisons de Sibérie de l’Ouest (Altaï) en dessous des cours mondiaux, pour soutenir sa politique d’énergie subventionnée. Mais la Russie, inconfortable à l’idée de trop s’engager dans cette alliance, tergiversait et tentait de signer avec la Corée du Sud ou le Japon. 

Finalement, c’est sur les puits de Sibérie de l’Est que se conclut l’affaire. Alors, pourquoi V. Poutine a-t-il changé d’avis ? Pour deux raisons : 
1. L’incident de l’Ukraine en 2008 l’y a incité. Quand il avait coupé en plein hiver le gazoduc vers l’Europe pour forcer l’Ukraine à payer sa part. Les pays de l’UE avaient alors perçu la nécessité de diversifier leurs achats et de réduire leur dépendance envers un voisin peu sûr. Cinq ans plus tard, les effets sur les carnets de commande russes se font sentir. ‚
2. En exploitant leur gaz de schiste, les Etats-Unis ont changé la donne, cessant d’importer pour devenir exportateur, et infléchissant à la baisse les cours mondiaux. 

La Chine elle, peut miser sur ce gaz propre pour ses engrais, et sur sa production thermique pour réduire sa dépendance au charbon. Elle importera 78,5 milliards de m3 en 2014 : si les négociations sur le gazoduc « Altaï » (qui se poursuivent) aboutissent, l’essentiel de ces livraisons pourraient venir de Russie. 

Détail insolite : la rencontre préparatoire voyait face-à-face Arkady Dvorkovich et Wang Qishan, son homologue vice 1er ministre (pour quelques jours encore). Mais après le Plenum de l’ANP, sous les ordres du 1er ministre Li Keqiang, Wang tiendra un poste aux antipodes : la présidence de la CCID, police (anti-corruption) du Parti. Quand on sait qu’il guerroyait depuis 2011, âprement mais en vain, pour cette place qu’occupe Li, et qu’il est de l’écurie conservatrice de Jiang Zemin, alors que Li est de celle réformiste de Hu Jintao, cette insistance à exercer jusqu’au bout une fonction d’économie internationale, permet de deviner une source du blocage au renouvellement des ténors de la banque (cf édito), et de la réforme financière, pour l’instant dans les limbes…

Entre les deux pays, la coopération envisagée dépasse de beaucoup les livraisons de gaz. D’ici fin mars, il est question que la Chine fournisse 30 milliards de $ en avance sur pétrole, dont les livraisons doubleraient à, au moins, 26 millions de tonnes par an ; assez pour construire le vieux projet de raffinerie à Tianjin (JV de Rosneft et CNPC) ; la Sibérie pourrait passer premier fournisseur mondial de charbon à la Chine, et d’autres coopérations (nucléaire, renouvelables, aluminium) piaffent dans les starting blocks… 

La coopération entre ces deux géants n’aboutira pas sans mal, vu les siècles de méfiance qui les sépare. Mais les intérêts en jeu sont assez grands (l’objectif d’échanges de 100 milliards de $ pour 2015 sera aisément atteint, étant déjà à 88 milliards de $ en 2012, avec une croissance de 11% malgré la crise), pour faire de ces voisins d’authentiques alliés du fait de leur immense complémentarité dans le domaine de l’énergie. 

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