L’enquête conjointe de l’université Tsinghua et du magazine Xiaokang, jette un regard cru sur la santé des ménages de cette dernière décennie. En 2009, les
divorces (2 millions) frisaient le double des mariages (1,2 million) et la tendance s’emballe en 2012, avec 2,87 millions de divorces (+7,65% sur 2011).Le sondage éclaire les critères chinois du bonheur en couple : en n°1, l’amour, puis le désir d’échanger et de se comprendre, la loyauté, l’enfant, le revenu. Enfin, le sexe (n°7), la discrétion de la belle-mère (n°8), d’autres membres de la famille (n°9), et l’achat de la maison (n°10).
L’étude le révèle, plus de 50% des époux se parlent moins d’1 heure par jour, et 42% se disent prêts à tromper l’autre, malgré le risque de briser l’union. Les couples seraient heureux les trois premières années, et malheureux de la 7ème à la 10ème.
Une autre cause de rupture est « l’enfant ». 70% des femmes y reportent leur quête de bonheur, et le couple lui sacrifie trop. Malgré tout, même insatisfaits l’un de l’autre, les partenaires conservent une vision romantique, ressentant à 62% que l’amour est « plus important » que l’argent, et déclarant à 80% qu’ils ne changeraient point de partenaire, si c’était à refaire.
Pour les auteurs, la véritable cause de la mort des couples, ou de leurs difficultés, est dans l’incapacité (induite dès l’école) à communiquer, faire des compromis, faire de deux individus un couple. Cette situation est toute nouvelle –due à l’arrivée en ville, laquelle éveille à la personnalité individuelle. Ainsi, la moyenne nationale des divorces reste basse, à 2,29%, mais dans les métropoles, elle grimpe hyperboliquement : Pé-kin (39%), Shanghai (38%), Shenzhen (36%), Hong Kong (34%).
La grande absente de l’enquête est la violence conjugale. En 2011, la Fédération des Femmes l’estimait présente dans 25% des foyers et la Société du Droit, dans 35%. Une violence surtout masculine, cause probable des 70% de divorces initiés par la femme. La violence peut être due à l’infidélité (l’exigence du mari d’imposer sa double vie). Elle peut aussi refléter son exaspération de voir sa conjointe vivre sa vie professionnelle, et y réussir mieux que lui. Tout se passe comme si, discriminée depuis toujours, la Chinoise remontait la pente à force d’assiduité dans ses études et sa carrière, et causait ainsi un conflit chez son partenaire mâle resté convaincu de sa supériorité naturelle.
Exemple flagrant : l’administration dénomme formellement une femme de 27 ans, non mariée, shèngnǚ (剩女), « dont personne ne veut », et lui recommande de « se retirer du marché du mariage » (mots épinglés par la Fédération des Femmes). En oubliant les 40 à 50 millions de paysans restés célibataires, victimes de 30 années d’avortement sélectif, qui cherchent désespérément compagne…
Tout ceci aide à comprendre pourquoi aujourd’hui toujours plus, « la moitié du ciel » (expression de Mao désignant la femme) reprend sa liberté, s’arrachant au Moyen-âge dans lequel elle était jusqu’alors asservie !
Sommaire N° 8