La seconde session du Comité Central s’est achevée (26-28/02) : le rideau peut se lever sur le Plenum de l’ANP, le 05/03, où Wen Jiabao le 1er ministre, fera son ultime discours d’ouverture, laissant son successeur, Li Keqiang, avec le nouvel homme fort, Xi Jinping, adopter le dernier programme quinquennal. Ce tandem n’agit pas les mains libres : face à lui, cinq apparatchiks implantés au dernier moment par le vieux leader Jiang Zemin, font corps contre leurs rêves de réforme.
Yang Jiechi, l’ex-MAE, passe Conseiller d’Etat en charge de la diplomatie. Or en novembre encore, Wang Huning était pressenti pour ce poste. Pour les affaires étrangères, le manque à gagner est lourd : Yang passe pour un exécutant plus qu’un concepteur, contrairement à Wang, débordant d’idées –un « Jacques Attali » chinois.
Si Wang, qui venait d’accéder au Bureau Politique, était passé Conseiller d’Etat, la diplomatie serait entrée à l’organe suprême, dont elle est absente depuis 30 ans (au contraire des militaires qui y pèsent lourd). Ex-étudiant de Berkeley et francophone, Wang Huning était l’homme des Etats-Unis et de l’UE, à même de soigner les relations avec l’Ouest…
Mais c’est Wang Yi, ex-ambassadeur au Japon et expert de la Corée du Nord, qui sera nommé ministre des Affaires Etrangères. On devine ici une priorité qui émerge, car la Chine attend de l’Asie ses plus gros soucis, avec une Corée du Nord toujours plus incontrôlable, et un Japon viré à droite, irrité par la fièvre nationaliste chinoise et ses prétentions sur les îles Senkaku-Diaoyu. D’ailleurs, suite à son expansion maritime militaire, Pékin n’a plus qu’un allié en Asie : le Cambodge de Hun Sen… Face à tels soucis, Wang Yi est l’homme de la situation !
Second pilier de ce Plenum inaugural de l’ère Xi Jinping : la réforme du Conseil d’Etat, telle que fuie en octobre, visait une réduction de 28 à 17 ministères. C’était un choix surtout politique. Il s’agissait de réorienter les invests d’Etat vers le social : offrir une « nouvelle division du travail entre pouvoir, investisseurs et groupes sociaux », métamorphoser l’Etat dans un sens de « service, cultivant intégrité et compétence », et « redistribuer la richesse publique selon d’autres critères ».
Sans en avoir l’air, Xi et Li veulent aussi démanteler des places fortes d’intérêts conservateurs. Héritage de Mao, chaque ministère est un pré carré, « pesant » des milliards $ par an, source de prébendes à distribuer aux fidèles. Pour débloquer les fonds d’une politique sociale, il faut faire sauter le verrou des lobbies, eux-mêmes aux mains des familles historiques.
Mais à présent, que reste-t-il de ce grand plan ? Corrompu notoire, le ministère des Chemins de fer serait refondu avec les autres Transports (aérien, routier, maritime). La Culture engloberait les tutelles de la presse, du livre, du cinéma. Mais quid des autres ? Du super ministère de l’Agriculture, de l’Energie ? Sur ces domaines et d’autres, la rumeur est moins qu’optimiste.
Au moins, Xi Jinping le meneur de jeu, a un atout en main. Il vient d’obtenir l’appui de la « fraternité des enfants de Yan’ an » (le club des petits princes, fils des leaders historiques) pour avoir « rectifié le cours du Parti à un moment critique de vie ou de mort ». Ainsi, Xi Jinping a derrière lui les libéraux (pas si contents, ni rassurés, mais solidaires par clairvoyance), les militaires, et les gauchistes – tout le monde.
D’ici 2015, trois tests permettront de vérifier la réalité de sa volonté de réforme : sa capacité à imposer aux apparatchiks la déclaration de leur patrimoine, à faire ratifier la convention internationale des Droits de l’Homme, et à démanteler les láojiào (劳教) – camps de rééducation de triste mémoire.
Sommaire N° 8