Editorial : Un Chunjie, sous le signe de la frugalité

Au retour des fêtes du printemps, au début de l’année du Serpent, une nappe de brouillard politique plane sur la Chine. En surface, rien ne transparait des combats internes et grandes manœuvres avant le Plenum de l’ANP du 05/03.

L’économie repart, fruit d’un plan financier discret, donnant toute priorité à la stabilité. A l’aube du XVIII. Congrès de novembre 2012, le Parti communiste chinois débloquait plusieurs projets d’infrastructures (acier, TGV). Le retour à ce choix de développement par l’invest public, dont il prétendait pourtant se distancier, donne des fruits (7,9% au 4ème trim. 2012), mais laisse les économistes perplexes. En effet, ce modèle devrait perdre son utilité, une fois le réseau d’équipement arrivé à maturité. Ainsi, selon la tutelle CAAC, 70 des 180 aéroports chinois perdaient en 2011, 16 millions ¥ en moyenne. Mais le résultat est là : la Chine reste plus vivace que l’Europe ou les USA. En janvier, les échanges redémarraient (+25% à l’export, +28,5% à l’import) et le crédit atteignait 400 milliards de $ – 50% de mieux qu’en décembre. 

C’est là où le bât blesse. Seuls 40% des prêts émanaient des banques, le reste provenant du crédit gris : obligations, sociétés d’investissements, prêts directs et à court terme -autant de financements hors du contrôle public, avec les risques de dérapage que cela implique. Mais, disent les autorités, avec un revenu par habitant à 18% de celui de l’Américain, le Chinois a encore de la marge. De plus, les ventes du Chunjie, sous le signe de la frugalité, se sont tassées par rapport à 2012, dues aux campagnes anti-gaspillage et anti-corruption (dans le collimateur du fisc, les coupables les plus visibles ont fait profil bas et consommé moins). 

Pourtant incontournables en cette période festive, les ventes de pétards ont fait long feu : -45% (09-14/02) à Pékin, dû au souci de la mairie et des habitants d’épargner un air urbain déjà très vicié. Aussi dans la capitale, le 09/02, les blessés par brûlure furent 29% de moins, et durant la semaine, on ne dénombrait que 6500 incendies dans le pays.

Pour autant, loin d’être vaincue, la détérioration de l’air va et vient avec les sautes de vent. Le 31/01, plusieurs TGV s’étaient arrêtés en rase campagne, le smog ayant endommagé leurs circuits. Le 17/02, nombre de vols étaient annulés ou retardés à travers le pays. Aussi le pouvoir a ordonné à la mairie de Pékin de « juguler le smog d’ici le Plenum » (?), et un plan très ambitieux se met en place, pour remonter la pente après des décennies de catalepsie par manque de volonté politique. 

La population commence à réagir. Non sans malice, Jin Zengmin, PDG d’une verrerie de Hangzhou (Zhejiang), a offert (18/02) à Bao Zhenming, chef de l’environnement à Rui’an, 200.000¥ pour nager 20 minutes dans le cloaque de la rivière locale…Peu cérémonieusement, Bao déclinait, se déclarant « non responsable de la situation ». Puis l’offre fit tâche d’huile sur la toile : le 19/02, un autre bloggeur offrait 300.000¥ à un autre officiel de la défense de la nature, pour 30 minutes de brasse…

Autre sujet qui fâche : avant le Plenum, la presse épingle d’innombrables corrompus, mettant à l’épreuve la volonté de Xi Jinping de moraliser la vie publique. Tels, ce policier cantonais heureux (mais gêné) propriétaire de 192 apparts ; cet élu du Liaoning qui vit en harem avec six femmes ; ou cette cocotte ayant fait chanter 11 amants – tous cadres à Chongqing – avec le film de leurs fredaines…

Malgré tout cela, Xi Jinping et Li Keqiang son 1er ministre, améliorent leur image. Blogs favorables et fan-clubs se multiplient, tandis que Xi prêche aux cadres la tolérance envers la critique… Un avis qui, sur l’opinion et la toile, fait l’effet d’un galet lancé à la surface de la rivière : quelques jolis ricochets, avant de rejoindre les milliers d’autres promesses non tenues par les grands de ce monde, dans les profondeurs glauques et polluées de l’oubli…

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  1. Jean

    Sacrcénom! Ce n’est plus du journalisme, ça. C’est de la poésie! Non seulement, cet article est informatif, il est subtilement humoristique et se termine sur une figure de style que ne dénigrerait pas Hugo-le-Grand. On en redemande.

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