Au XVIII. Congrès d’octobre 2012, la présentation de Xi Jinping, en n°1, fut une belle opération de communication, lui conférant une image avenante et sympathique. Xi la confirma le 31/12 à Luotuowan (Hebei), en rendant visite, avec équipe TV, à 600 pauvres paysans : éperdue de solidarité, la Chine fit ensuite converger vers le hameau ses dons en espèces et en nature – Xi était le catalyseur de cet humanisme retrouvé.
Puis dans les media, 100 projets suivirent, esquissant le tournant libéral. Les camps de rééducation disparaîtraient. L’Etat interviendrait moins dans les affaires, se bornant à offrir un « cadre d’économie de marché, les produits et services publics, et la sécurité sociale ». Émise au Sommet de Davos, la formule est de l’économiste Fan Gang, mais d’autres hommes abondent en son sens, tels Li Keqiang, 1er ministre, et Lou Jiwei, possible ministre des Finances en mars.
Parmi les bonnes intentions populistes d’avant-Chunjie, Xi promet (28/01) de purger le Parti de ses membres « non qualifiés », sous l’angle de la corruption et de la discipline. Et pour assainir une filière agroalimentaire dont la cote de confiance est à zéro (causant d’étonnants mouvements d’importations parallèles depuis HK, Allemagne…), le ministère de l’Agriculture prétend créer d’ici 2015 des bases de production et de recherche semencière, et concentrer 60% du marché aux mains des 50 groupes les plus forts, sur les 6.300 que compte le pays. Autrement dit, le nouveau mot d’ordre de Xi Jinping serait « cap sur l’Etat de droit ».
Cependant, Xi change de discours, suivant les milieux auxquels il s’adresse. Peu avant sa tournée à Luotuowan, Xi Jinping en avait fait une autre, au Sud de la Chine, dont le discours aux cadres du Parti vient d’être publié. Or les vues qu’il y professe sont résolument conservatrices et rappellent les « 4 points cardinaux » – muselières imposées à la réforme par Deng Xiaoping en juin 1989. La réforme, dit Xi, est « ce qui nous garde sur le chemin du socialisme aux couleurs de la Chine », soit tous les poncifs du PCC, enrichis des ajouts de ses leaders successifs : marxisme-léninisme, pensée de Mao, théorie de Deng, 3 Représentativités (Jiang Zemin) et théorie scientifique du développement (Hu Jintao).
Xi accuse aussi Gorbatchev d’avoir causé la chute de l’URSS en « dépolitisant, nationalisant l’armée et la coupant du PCUS ». « Aucun homme alors n’a été assez homme, déplore-t-il, pour se dresser et résister…à cette confiscation du drapeau ». De ce discours émerge une autre priorité : non à l’Etat de droit, mais à la restauration d’une autorité et légitimité du Parti, par le travail idéologique. Ce que Xi résume sous cette autre formule dite des « 3 confiances » : dans la voie, le fondement théorique et le système.
Détail inquiétant : depuis son bref discours, fin du XVIII. Congrès, Xi ne fait plus allusion à la réforme politique…
En somme, entre Xi et l’opinion, l’état de grâce s’éteint déjà. Une question demeure, cependant, essentielle : entre le démocrate et l’apparatchik à poigne, où est le vrai Xi ? Le dur discours interne est-il sincère, ou bien opportuniste ? La première hypothèse semble la plus plausible. La seconde n’est cependant pas à exclure comme artifice, pour préserver l’espoir de changement. Cela lui permettrait de montrer patte blanche à la tendance dure, en attendant le XIX. Congrès de 2017, avec un nouveau Comité Permanent lui offrant plus de libertés.
Sommaire N° 5-6