Diplomatie : Pyongyang : la chute du régent, l’homme de Pékin

Le 8 décembre à Pyongyang, Jang Song-thaek (67 ans) fut embarqué par deux policiers, arraché à une séance du Comité Central (cf photo). Moins de 100 heures plus tard (12 décembre), il était exécuté après un procès fantoche pour « haute trahison ». C’était la mise en scène imaginée par Kim Jong-un, l’héritier dynastique, pour faire savoir au monde qui était le seul maître à bord. Jang, sa victime, avait été le n°2 du régime, et son oncle. 

Le déclin de Jang devint net le 12 novembre, quand deux de ses aides furent arrêtés et passés par les armes. Puis la rumeur courut : début septembre, son bras droit, décideur financier national, s’était sauvé en Chine, exfiltré par les Sud coréens. 

Sur les causes de cette chute, il se peut que son épouse Kyong-hui (sœur de Kim Jong-Il, le « cher leader » décédé en décembre 2011) ait cessé de le défendre, lasse de ses infidélités. En tout état de cause, la raison essentielle est ailleurs. Kim Jong-un, une fois sur le trône, souffrait d’être un prince d’opérette, le vrai pouvoir restant aux mains d’une brochette de vieux militaires. Or en 24 mois, il a réussi à éliminer 5 des 7 membres du Comité Permanent, grâce à l’adage de « diviser pour régner ». Depuis son avènement, Kim Jong-un n’a cessé de promouvoir Choe Ryong-hae, n°2 de l’armée, et grand rival de Jang. Avec Choe, il soutenait la ligne politique « Byungjin », qui veut mener en pa-rallèle croissance économique et course à la bombe atomique. 

Au diapason des USA sur ce dossier, la Chine tente d’amener Pyongyang à renoncer à son programme militaire. Jusqu’à présent, Jang aux commandes, s’efforçait d’attirer les capitaux étrangers, et venait de faire annoncer la création de 14 zones industrielles, au profit premier des capitaux chinois. Il était l’homme de confiance de Pékin, où il se rendait souvent et était reçu à tous les niveaux. 

Mais à cette dénucléarisation, l’armée n’avait rien à gagner. Aussi, le jeune dictateur s’est appuyé sur les officiers pour « dé-capiter » la vieille garde. Choe a offert à Kim Jong-un la tête de son rival, et Kim à Choe, le maintien des budgets de tirs nucléaires (quoique selon Séoul, ce choix se soit traduit par un recul du PIB sur 4 des 7 dernières années). Après le dernier (3ème) test en février 2013, Xi Jinping avait accusé Kim Jong-un d’« actes irréfléchis », à seule fin de « profit personnel ». 

Cette critique, mal ressentie par le petit empereur, a pu jouer son rôle dans la décision de mise à mort du régent. Jang, est accusé d’avoir bradé le minerai de fer coréen aux Chinois – plus de la moitié des échanges bilatéraux. 

L’exécution est ressentie à Pékin comme un geste de défi vis-à-vis d’une Chine perçue comme géant envahissant. Ce qui rappelle en 2012, le désamour de la Birmanie, autre pays satellite totalitaire, que la Chine protégeait (des sanctions de l’ONU) mais exploitait en même temps. Ce sursaut de rébellion contre des rapports inégaux, remet aujourd’hui en cause un modèle chinois, d’échanges avec ses voisins. 

Signe du désarroi : sans délai, la presse chinoise veut inviter Kim Jong-un à Pékin en visite officielle, qui n’a pas encore eu lieu. Aussi ce bras demi-tendu semble un indice : quand la Corée du Nord s’enfièvre, la Chine ne peut s’offrir le luxe de jouer l’offensée, mais doit d’urgence reprendre l’initiative et discuter.

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