Surprise de taille aux funérailles du Général Yang Baibing (21/01), décédé à 93 ans : Jiang Zemin fit déposer sa gerbe de fleurs, non pas après Hu Jintao, mais après Xi Jinping et d’autres membres du Comité Permanent, contredisant ainsi le protocole. Ce « retrait floral » suggère la retraite politique d’un homme hier encore n°2, à 86 ans. Le Parti prend soin de préciser que c’est « sur sa demande », et le félicite pour cet acte de « noblesse ».
Autre surprise : dénoncé par son amante, Yi Junqing, un vice-ministre, est limogé pour débauche. Et il n’est pas le seul !
Depuis des mois, des milliers de cadres quittent discrètement le pays avec les millions de dollars de leur patrimoine mal acquis, pour fuir à temps les limiers de la CCID (Commission centrale d’inspection de la discipline), dont Wang Qishan est le chef… Mais peut-être la chute de Yi Junqing a-t-elle une cause plus profonde. Sur internet, son ex-maîtresse révèle ses liens avec Liu Yunshan et Li Changchun, chefs de la propagande, alliés de Jiang Zemin : sa sanction pourrait donc être aussi politique, et règlement de compte, comme souvent le cas en ce pays.
Xi Jinping s’impose aussi comme chef de l’armée. Dès octobre, il imposait des règles de «frugalité et d’austérité » à celle qu’on appelle «notre nouvelle grande muraille» (我们的新长城 – wǒmen de xīn chángchéng). Il fait pleuvoir les promotions dans les hautes sphères militaires. À peine Président de la Commission Militaire Centrale, il ôte à Jiang son bureau privé dans ce QG.
Raison invoquée à la reprise en main : l’urgence de rehausser la capacité d’intervention face au Japon. C’est ainsi que, non sans maestria, le nouveau n°1 joue de la fibre patriotique dans son parcours du combattant pour contrôler le Parti et l’Armée, les deux sources du pouvoir chinois.
La crise sino-japonaise, qui fait bouillir l’APL, l’armée chinoise, avait éclaté en novembre 2011, par une série de manifestations « spontanées» dans des métropoles, après la maladroite «nationalisation» par Tokyo des îles Diaoyu-Senkaku. A présent, on sait que l’acteur dans l’ombre était Zhou Yongkang, le chef occulte de la Sécurité publique (autre homme de Jiang), probablement pour tenter de protéger Bo Xilai, son acolyte, des sanctions pénales votées au Politburo. C’est ainsi que tour à tour, chacune des deux tendances du Parti (conservateurs, libéraux) s’est servie de ce litige international comme pion dans son jeu d’échec de politique intérieure !
Ces luttes se poursuivent : défendu par deux avocats du cabinet Deheng, proche du régime, Bo Xilai serait jugé à Guiyang (Guizhou) les 28-30/01 – quoique le chef d’inculpation ne soit pas émis. Le bruit court d’un verdict «sévère» – peine de mort ? Le 25/01, dix de ses ex-cadres de Chongqing tombaient, piégés par des vidéos de débauche.
Ailleurs en Chine, le climat est tendu : à Canton, les 20-22/01, les balayeurs protestent contre leurs patrons privés; à Shanghai, 18 cadres chinois et nippons de Shinmei sont kidnappés par 1000 migrants (20-21/01), avant d’être libérés par la police. En effet, la Chine pâtit du fossé grandissant entre riches et pauvres, exprimé par un coefficient de Gini réel, de 0,61 en 2012, qui a depuis longtemps franchi la cote d’alerte de 0,4.
Le pouvoir en est conscient. Pas par hasard, Wang Qishan et Li Keqiang, le futur 1er ministre, recommandent fortement la lecture de « L’Ancien Régime et la Révolution », d’Alexis de Tocqueville.
Pour l’historien du XIX.ième siècle, le règne de Louis XVI généra une forte richesse mais son drame fut de mal la redistribuer (à une poignée de nantis), causant la colère du peuple et la chute du régime. Une autre erreur identifiée, fut la centralisation des 3 pouvoirs. Enfin, selon Tocqueville, « le plus dangereux moment pour un mauvais gouvernement, est celui où il entame sa réforme », car la 1ère tentative de libéralisation s’accompagne toujours d’un vent de colère, d’une force parfois imprévue et incontrôlable.
Ainsi, Wang, Li et d’autres leaders chinois éclairés, lisent dans le diagnostic de Tocqueville le risque d’un remake d’une Révolution française « aux couleurs de la Chine », dans « l’Ancien régime » qu’est demeurée la RPC après 65 ans de socialisme. Mais leur force est de le savoir et de chercher à tout prix l’échappatoire !
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Gilles
26 janvier 2013 à 09:39Pour les lecteurs incultes mais curieux, les valeurs standards du Coef de Gini sont expliquées ici :
http://2bu.ro/coefgini
Jacques de Goldfiem
4 février 2013 à 21:52C’est pourtant grâce à l’intervention de Yang Baibing contre les étudiants de la place Tiananmen, alors directeur du département politique de l’APL que Jiang Zemin a pu en juin 1989 devenir leader du pays