Le Vent de la Chine Numéro 39
Le 23 novembre 2013, la Chine lança un message au monde : sur 1000 km de ses côtes, elle exigeait que tout avion s’annonce auprès d’elle suite à l’ouverture d’une nouvelle zone aérienne d’identification-défense en mer de Chine de l’Est (cf. photo). Le Japon ayant sa propre ADIZ, les deux zones face à face créaient un conflit de souveraineté territoriale. Même si l’APL précisait qu’elle n’envisageait pas de détruire les appareils refusant de s’identifier, les réactions furent vives :
– Non consultés, les pays riverains étaient mis devant le fait accompli,
– et pour la première fois une ADIZ était créée par un pays sur un espace revendiqué par d’autres. Aussi, Japon, Australie, USA, Taiwan et Corée s’empressèrent de dénoncer la mesure et d’envoyer leurs chasseurs dans la zone, sans les annoncer.
L’auteur de cette ADIZ ne fait pas de doute : Xi Jinping, seul compétent pour une telle décision aux implications internationales, après le vote au Comité Permanent (l’ instance dirigeante du Parti) et à la CMC (l’organe de direction militaire). L’action porte sa griffe, par sa dimension de risque calculé, faisant suite à 10 années de ronronnement feutré de Hu Jintao, son prédécesseur. Xi d’ailleurs, sans attendre, préparait déjà les prochains pas : aux Philippines, une émissaire chinoise annonçait (01/12) qu’une ADIZ en mer de Chine du Sud serait « légitime », et le porte-avions Liaoning embarquait pour un nouveau port d’attache à Haikou (Hainan), plein Sud.
En fait, un tel plan est dans les cartons depuis les années ‘90 : l’Amiral Liu Huaqing préconisait que sa marine perce en 50 ans les deux lignes d’îles sous influence américaine (Japon, Taiwan, Philippines…) pour s’imposer comme puissance sur les mers du globe, rivale des USA.
Mais le message peut aussi être vu comme destiné à usage interne… à sa classe militaire. Xi lui donne une mission, et exige en retour qu’elle nettoie sa corruption, et ne fasse pas obstacle à la vague de réformes annoncées par le 3ème Plenum. Le message est aussi fait pour rassurer : l’APL n’a rien a redouter du Comité National de Sécurité, créé pour coordonner diplomatie, sécurité et défense
Très attendue, la réaction des Etats-Unis a été rapide. En moins de 24h, Barak Obama faisait condamner la « tentative de changement du statu quo dans la région », en raison du risque de « mauvais calcul ».Pour que l’avertissement soit clair, il dépêchait au Japon, sur la base de Kadena (Okinawa), six Boeing militaires « P-8 Poséidon » dernier cri, équipés de radars, de torpilles et de missiles air-mer, capables de mettre à mal la plupart des navires et sous-marins de l’APL.
En même temps, le vice-Président Joe Biden se rendait en urgence à Tokyo pour rassurer sur l’état de l’alliance, et de l’engagement américain à la défendre si nécessaire : « les USA, martelait-il, ont été, sont, et resteront une puissance résidente de la zone Pacifique ».
Pourtant, après le passage de Biden à Pékin, la Chine aussi pouvait prétendre avoir gagné. Biden s’est en effet gardé d’exiger le démantèlement de l’ADIZ, au risque quasi certain de voir Pékin refuser, faisant ainsi entrer les deux pays dans une crise sans doute longue et aux conséquences négatives.
De même, son administration a « conseillé » aux transporteurs aériens américains de respecter l’ordre d’identification lors des survols de la zone.
Ce succès chinois se lit aussi à la longueur de l’entretien avec Xi Jinping, qui avait été annoncé de 45 minutes mais qui dura 5 heures. Les deux hommes en sortirent souriants, et volontairement muets sur le sujet de l’ADIZ, tout en signalant qu’ils avaient aussi abordé d’autres thèmes, comme la Corée du Nord. Tout se passe comme si, lors de ce meeting, les deux puissances avaient trouvé un modus vivendi : les Etats-Unis n’étant pas prêts à mettre en jeu leur relation privilégiée avec Pékin, et la Chine à déraper en guerre, pour une poignée d’ilots inhabitables.
Certes, cette ADIZ, sorte de coup de poker, aura un prix : le Japon et d’autres nations régionales renforcent leur concertation et leurs investissements en matière de défense. Mais la Chine est apparemment confiante de pouvoir utiliser son joker « croissance », « achetant » ainsi la paix, et en insufflant prospérité à leurs économies au profit général, mais à ses conditions à elle.
Après avoir eu en novembre un préjugé favorable envers le Bitcoin, (monnaie virtuelle, coqueluche des internautes chinois, – cf éditorial du Vent de la Chine n°38), le 5 décembre, la Banque Centrale (avec la CBRC, CIRC, CSRC et le Ministère de l’Industrie et des Technologies d’Information), en interdit l’usage aux banques.
Elle s’explique : le Bitcoin n’est « pas une monnaie légale », comporte trop de risques de fraudes, et reste trop fluctuante.
Quelques heures après cette annonce par la Banque Centrale, le Bitcoin perdait plus de 35% de sa valeur en yuans, et le lendemain (6 décembre), le moteur de recherche Baidu annoncait qu’il n’accepterait plus les Bitcoins comme moyen de paiement en raison des récentes fortes fluctuations de cette monnaie. D’ailleurs
Par contre, son usage n’a pas été interdit aux particuliers, à leurs risques et périls… Néanmoins, les plateformes d’échange de Bitcoins devront désormais soumettre leurs rapports d’exercice.
Toutefois, vu la complexité de ce dossier et les potentialités exceptionnelles du Bitcoin , l’Etat n’a pas encore donné son dernier mot !
PS : également le 5 décembre, la Banque de France et des Pays-Bas mettaient en garde contre les risques que comportent l’utilisation du Bitcoin.
Du 27 novembre au 1 décembre, le Conseil d’Etat s’associa à sept portails web (dont Sina) pour entendre l’ avis de la population sur la composition idéale de leurs vacances. C’est une énième tentative de réforme—la dernière datait de 2012.
Organiser les départs de 428 millions de personnes lors des 7 jours de congés de la « semaine d’or » (1-7 octobre), voire 800 millions lors du nouvel an lunaire (chunjie, 春节), relève du casse-tête, voire de la mission impossible…
Confondant repos du travailleur et tiroir-caisse du commer-ce national, l’Etat avait voulu faire de ces congés, une période de méga-shopping. Bilan : des embouteillages calamiteux aux gares, sur les routes et sites touristiques…
En plus des 11 jours fériés légaux annuels (inchangés), 3 formules étaient proposées aux internautes, modulant les jours complémentaires « empruntés » aux semaines d’avant et après.
Avec 55%, la formule qui remporta la palme fut la plus conformiste : « ne rien changer » ! Mais de nombreuses voix estimèrent le choix impossible entre ces 3 options « toutes mauvaises ». Certains attendaient « plus de congés » (refusé – la Chine se trouvant « dans la norme mondiale »), et surtout, des congés réellement modulables, étalés tout au long de l’année et au libre choix des familles.
Se dresse alors un problème de fond : les congés scolaires. Mais de toute façon, pour les entreprises, il reste plus confortable de fermer une fois pour toutes !
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Le 12 décembre, l’annonce de la suppression du congé du 30 janvier 2014 – soit la veille du Nouvel An Chinois, traditionnellement jour de retrouvailles en famille – a provoqué un tollé sur internet (plus de 90% des internautes seraient contre selon un sondage sur le portail Sina).
Réactions choisies :« nos officiels se soucient-ils encore du Nouvel An Chinois ? », « comment pourrais-je rejoindre à temps mes parents pour le Nouvel An ? C’est une sérieuse entorse à la piété filiale…«
Légende photo : la section de Badaling, Grande Muraille – vacances nationales de 2012, 80 000 touristes
Une bourrasque souffle sur la finance, avec un règlement imminent de la CBRC ( China Banking Regulatory Commission), pour limiter le refinancement inter banques.
Après le chunjie, si elles se revendent des actifs (par cession d’hypothèques), elles devront provisionner jusqu’à 30% de leur valeur, puis auront interdiction de se les rééchanger. Elles recevront des plafonds aux produits de gestion de fortunes. Et un audit des dettes du gouvernement local sera obligatoire.
De même, les échanges sur ce marché parallèle seront limités à 50% des dépôts si le partenaire commercial est une banque, et à 25% s’il s’agit d’une compagnie non financière.
La raison de ce tour de vis est aisée à deviner : le refinancement inter banques, depuis 2009, a permis aux provinces de contourner les règlements de resserrement du crédit et de creuser un « tonneau des danaïdes » de dettes dangereuses.
Les grandes banques seraient peu concernées : en 2012, elles tiraient de l’inter banque 9% de leurs fonds contre 23% pour les petites et moyennes. Ainsi, ces dernières finançaient (illégalement) les mairies et districts, tout en gardant « la tête hors de l’eau » grâce à ces tours de passe-passe d’actifs douteux.
Le nouveau texte devra faire d’une pierre trois coups : forcer les provinces à respecter la discipline de crédit, contenir leurs dettes, la corruption, et la course folle à l’immobilier.
Conséquence attendue par la CBRC l’an prochain : une à deux faillites de petites banques, rattrapées par leurs mauvaises dettes !
Depuis l’été, la campagne anti-corruption n’en finit pas de prendre de l’ampleur, s’étalant dans toutes les directions. Parmi les derniers « tigres », hauts cadres pris dans la nasse, figurent (liste non limitative) :
– Li Chunping, trader (Wenzhou), inventeur d’une (fausse) « Atlantic Bank of America, Delaware », fraudeur – prison à vie;
– Yu Guorong, banquière de Chongqing (Banque de Chine) ayant détourné 2,8 milliards ¥ en 10 ans, extradée de Thaïlande, encourt la mort;
– Guo Youming, vice-gouverneur du Hubei est démis de ses fonctions pour « sérieuses fautes disciplinaires ».
– Cai Rongsheng, de l’université Renmin, est arrêté à Shenzhen, en fuite, accusé d’avoir pris jusqu’à 1 million de ¥ par étudiant, pour intégrer cette université « par la porte de derrière ».
– Zhang Yimou, le réalisateur, sous les feux des média, accepterait de payer 160 millions de ¥ d’amende pour ses « au moins » sept enfants, dont trois avec sa femme Chen Ting…
Après la CNPC (pétrole) et la COSCO (armement maritime), c’est à Chalco, le géant mondial de l’aluminium de communiquer – discrètement- la démission de son vice-Président Li Dongguang « pour raisons personnelles » tout en rassurant clients et partenaires que la démarche « n’aura nulle incidence » sur les résultats du groupe. A Sinosure (assurance), c’est le n°2 Dai Chunning qui marche sur les charbons ardents. Chez China Southern, quatre « exécutifs » sont mis sous investigation…
Tout ceci ressemble aux premiers fruits d’une série de 10 enquêtes financières diligentées mi-octobre à travers administrations, consortia d’Etat et provinces.
La date de ce bilan en cours d’apparition n’est pas fortuite. Sous l’impulsion vigoureuse de Wang Qishan, patron de la CCID (police du Parti), la Chine « fête » le 1er anniversaire (4/12) de l’édiction des règles nouvelles de frugalité et de transparence. Durant ces 12 mois, la CCID a sanctionné près de 20.000 cadres. Souvent dénoncés, les fautes traquées recouvrent les détournements de fonds publics à fins de cadeaux, banquets et voyages (d’agrément), sorties touristiques, divertissements, abus de voitures de fonction et distribution de primes indues. Tout ceci, en peu de temps, a donné lieu à 917 délations de « décadence dans l’appareil ». Près de 99% des fautes ont été relevées au niveau de districts ou de municipalités, auprès des «mouches» (petits cadres). Les 1% restants concernent les « tigres », les hauts cadres qui sont ainsi empêchés de faire obstacle à la politique de réforme de Xi Jinping.
Autre signe parlant : à Shanghai, Yang Xiaodu patron de la Commission locale de discipline, est remplacé par Hou Kai, 51 ans, ancien auditeur national, et surtout membre du Comité Permanent de la CCID. Ainsi, les leaders régionaux de cette police interne du Parti commencent à être nommés par Pékin. De la sorte, la campagne centrale prend de l’essor en province, capable de résister aux pressions et ne rend compte de ses actes qu’à Pékin, à Wang Qishan, nouvel homme fort et bras droit de Xi Jinping. La campagne apparaît structurée pour aller jusqu’au bout : nettoyer l’administration, assainir le climat étouffant des dernières années, et conférer à Xi Jinping un pouvoir personnel inégalé depuis des décennies.
Légende photo : siège de la CNPC à Pékin
Nouveau succès pour le programme spatial chinois avec le décollage de Chang’e-3 le 1/12 à 01:30, direction la Lune.
Chang ’e-3 y emporte un module qui doit alunir le 14/12, pour libérer un char lunaire, « yùtù 玉兔 » (lapin de jade) – le compagnon légendaire de la déesse Chang’e, exilée sur la Lune de temps immémoriaux. Ce tir est une étape d’un plan étalé sur au moins 20 ans : en 2020, la Chine compte rapporter 2kg de roche lunaire, puis en 2030, répéter l’exploit d’Armstrong marchant sur la Lune (juillet 1969).
D’aucuns ne se privent pas de discréditer ce programme : doté de milliards d’€uros, il ne serait qu’un remake d’aventures ridées, réalisées par les USA ou la défunte URSS (première sortie extravéhiculaire en mars 1965). Ils ont tort : Russie et USA ne sont plus très actifs dans l’espace : l’humanité (à commencer par les 1,3 milliard de Chinois) ne demande qu’à vibrer à un retour sur la Lune, laquelle est toujours méconnue. Or, les instruments à bord de Chang’e sont inédits sur la Lune, caméras panoramiques, radar pour sous-sol, spectromètres à infra-rouges, à rayon «X» par particules alpha… Pour sa part, le char à six roues, sur des côtes de 30°, à 200m à l’heure, dispose d’une caméra à ultraviolets. On attend donc, des scientifiques chinois, des découvertes sur notre satellite.
Sa mission, une fois sur son nouveau territoire, sera de dresser une carte « d’Etat major » de sites sécuritaires pour des missions futures, relever la structure géomorphologique de différents sites, conduire des relevés astrophysiques et par-dessus tout, rechercher des ressources exploitables.
Ce qui est visé, est l’helium-3, isotope non radioactif dont la molécule (2 protons + 1 neutron) en fait un candidat sérieux à la production d’énergie de demain, par fusion nucléaire à partir de réacteurs Tokamak du type de l’Iter, projet mondial. La Lune, selon les cosmo chimistes, détiendrait 1 à 15 million de tonnes d’helium-3 contre seulement 15 tonnes sur Terre.
Ici, le programme chinois semble avoir adopté les théories du géo chimiste Ouyang Ziyuan : avec 100 tonnes récoltées par an, la demande énergétique mondiale serait comblée, et la Chine se voit déjà développer des transporteurs d’une capacité de 25 tonnes (contre 4 tonnes aux plus performants actuels) : et se faire donc le fournisseur de la planète.
NB : Russie et Inde s’intéressent aussi à cette filière d’énergie future, qui reste cependant largement du domaine onirique, vu l’absence actuelle de technologies matures.
Chang’e-3 servira aussi à préparer d’autres missions vers Mars, notamment l’usage du télescope à micro-ondes, et la maitrise des communications et du char lunaire.
A ce niveau, la Chine est en concurrence avec… l’Inde, qui a lancé en octobre sa fusée Mangalyaan et franchi avec succès le 29/11 le second obstacle, à savoir l’adieu à l’orbite terrestre pour rebondir vers l’astre rouge, qu’il atteindra en septembre 2014. Ce qui n’est pas un mince exploit, si l’on se rappelle l’expédition sino-russe de novembre 2011 qui explosa au décollage. A la clé : un marché des opérations spatiales de 3004 milliards de $, dont la majorité reste aux mains des Etats-Unis et de l’Europe.
Dernier aspect : la Chine ne manque pas de préciser que les fruits de la mission seront partagés « avec l’humanité, surtout les pays en voie de développement ». Ce qu’elle veut dire est qu’en partageant avec les pays défavorisés le prestige de l’aventure spatiale, elle s’appropriera plus facilement leurs ressources minérales.
Le hasard veut qu’en 48h, les Premi ers ministres de deux grandes nations d’Europe viennent en visite en Chine (01-06/12) : David Cameron de Grande-Bretagne, Jean-Marc Ayrault de France, venaient tenter de renforcer leurs relations, manière de lutter contre la crise. Pour l’observateur, la différence de styles est instructive :
David Cameron sembla prêt à jouer le tout pour le tout pour arracher son pays à une relation en chute libre depuis 18 mois. En mai 2012, il avait rencontré le Dalai Lama, et critiqué la Chine sur ses droits de l’Homme – ce dont Pékin avait pris ombrage et, encore il y a quelques mois, une visite de réconciliation du 1er ministre avait été annulée.
Aussi cette fois, Cameron multipliait envers la Chine les bras tendus. Aux financiers, il promettait des conditions imbattables et aux voyageurs, des visas « express ». Sur le Dalai Lama, il se rétractait entièrement assurant que « la page était tournée », et aux enfants d’Angleterre ou de Cornouaille, il préconisait de troquer l’étude des langues de Goethe ou de Voltaire, pour se concentrer « tout Schuss » sur celle de Confucius !
Nonobstant ces amabilités, les résultats furent maigres…
Cameron partit avec un accord sur les coproductions de cinéma, et un contrat de ventes pour 80 millions£ de semence porcine…
Par contre, il fut étrillé par la presse anglo-saxonne
, jugeant sa prestation « pathétique »: le R-U avait plus besoin d’un « homme d’Etat » (« statesman ») que d’un « commerçant » (« salesman »). Quant à la presse chinoise
, peu impressionnée par la contrition du tribun, elle le taxa « d’hypocrisie » et dénigra le partenariat avec un pays « vieillot, juste bon à y voyager et à y étudier ».
Jean-Marc Ayrault lui, arrivait avec cinq de ses ministres et d’autres hauts dignitaires parmi lesquels Martine Aubry, que l’on dit en quête de son portefeuille à l’hôtel Matignon.
Il fut reçu à tous niveaux, de Li Keqiang le 1er Ministre, à Xi Jinping le Président, Zhang Dejiang le Président de l’ANP et autres…
Il inaugura un séminaire sur le nucléaire, pour fêter 30 ans de coopération spécialisée.
Il annonça avec Li Keqiang six mois de festivités au titre du 50ème anniversaire de l’ouverture des relations par le Général de Gaulle.
Pas par hasard, il suggéra que le futur nouveau Lycée Français International de Pékin, au chantier encore bloqué par de mystérieuses difficultés, serait décoincé avec l’aide de Xi Jinping, et baptisé au nom du père fondateur de la 5ème République.
Au plan des résultats annoncés durant la visite, figure le feu vert à la JV Dongfeng-Renault, avec une usine à 1,3 milliard de $ pour une production initiale de 150.000 véhicules multifonctions. Le compte à rebours pour l’homologation vétérinaire de la charcuterie française, le visa français aux Chinois en 48 heures, et « 50.000 étudiants chinois en France d’ici 2015 » (contre 35.000 actuellement).
Durant leur rencontre, Li Keqiang devait célébrer la « qualité exceptionnelle » de cette relation – preuve, selon lui, de la « capacité mutuelle à développer une coopération dans la confiance, en dépit de niveaux de développement très différents ». « Nous sommes prêts, devait-il s’exclamer, à aller plus loin, par exemple dans l’exploration conjointe de marchés de pays tiers, en centrales nucléaires ». Et une haut fonctionnaire chinoise, en marge, de préciser : « pour nous, en matière politique et conceptuelle, en raison de son esprit d’indépendance et non aligné, la France est première ». Manière de célébrer des relations qui sont aujourd’hui sans rides.
En 1981 à Xi’an, Zhang Yufen se retrouva mariée contre son gré à un homme qu’elle n’avait vu qu’une fois. Patiente et naïve, elle n’objecta pas, se disant au contraire que ses parents savaient mieux qu’elle, et puis que « celui là ou un autre »…
Jeune ouvrière (24 ans), sans argent ni expérience, elle n’avait guère d’arguments pour s’opposer aux choix de ses parents. Et pourtant, elle faisait, dès lors, preuve d’une indomptable volonté de décider par elle-même. Le soir, à l’aide de manuels et d’un mannequin de porcelaine médicinale, elle étudiait les méridiens, rêvant d’ouvrir son cabinet de médecine chinoise.
Un matin de 1995, à 38 ans, elle vécut l’explosion de sa banale existence. Le cher mari avait commencé par s’absenter une nuit, puis une semaine, puis six mois. Chaque fois, il revenait avec des traces de rouge à lèvres sur le col de la chemise, l’air à la fois comblé et coupable. Quand elle lavait ses pantalons, elle trouvait dans les poches des tickets de cinéma, spa…Toujours pour deux ! Finalement, elle le prit sur le fait—il courait le guilledou.
Son monde s’effondra. Elle souffrit 1000 angoisses, cherchant tantôt ses torts, tantôt ce que la « voleuse » pouvait avoir de plus qu’elle – plus jeune ? Plus apprêtée ? Plus rusée ? Le volage s’était envolé avec l’hirondelle et l’épargne du couple. Zhang dut se battre durant 10 ans contre des fantômes, avant de parvenir à divorcer.
Le juge lui octroya l’appartement : souriant dans ses larmes, elle fonça à son usine donner sa démission, avant d’ aller acheter une table d’acupuncture, et d’ouvrir sa pratique à domicile…
Elle sortit de cette mésaventure la tête haute, mais meurtrie. Dans sa table de chevet, elle conservait la photo du « faux couple » pour ne pas oublier.
Elle voulait moins se venger que préserver les autres femmes de cette vilénie à l’avenir. C’est devenu son idée fixe, de réussir cette revanche quoique il lui en coûte, même de « dormir sur un lit de branches et ravaler sa bile » (wòxīn chángdǎn, 卧薪尝胆) !
A cette époque, elle fut renforcée dans son amertume par d’autres drames identiques autour d’elle, amies, collègues, voisines quittées, brisées. Le suicide de sa propre sœur marqua le jour où elle décida d’agir. Durant toutes ces années, elle avait filé son mari, pris des vidéos, des photos… En 2003 à 46 ans, elle fonda la première agence de femmes-détectives de Chine : « Phoenix de feu », le dragon au féminin, chargée de faire justice divine. Elle commença avec 10 bénévoles, choisies parmi ses clientes les plus audacieuses et déterminées.
« Phoenix de feu » n’est pas une agence ordinaire. Elle ne se fait pas payer, sauf les frais incontournables (transports, bars…). Elle peut mettre 10 « limières » sur une enquête éclair, ou bien une seule, sur une filature de 26 semaines. Elle remonte au nid d’amour, photographie, filme.
Une fois l’adresse détectée, une ou plusieurs des filles vont voir la donzelle : alternant arguments moraux et menaces des photos prises, elles parviennent souvent à mettre fin à l’amourette. D’autant que l’épouse fait de même avec son mari, de son côté : un chantage à la carrière brisée, si les photos allaient traîner sur les réseaux sociaux.
De la sorte, Zhang revendique à son actif une centaine de couples rabibochés et 11 maris récalcitrants, poursuivis en justice pour infidélité.
Evidemment, la formule n’ est pas sans risques : parfois, des maris irascibles, découvrant leurs fileuses, les rouent de coups…
En 2005, l’agence dut fermer, incapable de solder 80.000 yuans de dettes en GPS, appareils photos, caméras, enregistreurs, perruques (cf photo)… Mais elle se releva, grâce à mille soutiens de femmes solidaires et de la presse, même internationale. Depuis, en 11 ans, les « exterminatrices de concubines » comme on les appelle, ont traité mille appels à l’aide.
Certains maris, quand ils savent « Phoenix de feu » sur leur trace, préfèrent tout plaquer dare-dare. En 2011, Zhang a acquis assez de soutien pour ouvrir à Pékin un centre d’accueil pour épouses délaissées, et créer son site internet : blog.sina.com.cn/zhangyufen1957 . Sur deux lignes (400/8100969), elle reçoit 24h/24 des appels de toute la Chine, d’Asie, des Etats-Unis. Au cours de ses 15 ans de vie de détective, elle a accumulé 1000 anecdotes compilées dans un livre : « Splendeur et chute de la courtisane ».
Mais il faut se demander si en Chine, les éditeurs ne seraient pas liés par une solidarité masculine : depuis 2011, le manuscrit n’a toujours pas trouvé preneur !
10-13 décembre, Shanghai : Automecanika, Salon de la voiture, des équipements pour garages, stations-services, pièces détachées et accessoires
11-13 décembre, Shanghai : Private Label Fair, Salon de l’étiquetage
12-14 décembre, Canton : Food & Beverage Expo
12-14 décembre, Canton : Hotel & Equipements Expo
13-15 décembre, Shanghai : Salon des fertilisants et pesticides