Agroalimentaire : Sur les OGM, une Chine divisée en deux camps

Riz YunnanEn matière de cultures OGM, deux opinions se déchirent – dans la société et dans les administrations.

 Moyennant un programme de pointe, de qualité mondiale, le pays a mis au point et certifié deux souches de riz génétiquement modifié. Mais le ministère de l’Agriculture retarde le visa de commercialisation et faute de déblocage d’ici le 31/12, le certificat expirera. D’où une intense campagne en cours, pour tenter d’obtenir le feu vert. 

Côté partisans, le professeur Zhang Qifa, « père » du riz OGM chinois, évoque le gâchis de milliards ¥ investis dans la recherche de semences nouvelles, et les 3,4 millions de tonnes d’import prédits en 2013-2014 par les Etats-Unis. Vu l’incapacité du terroir chinois à produire plus, et celle des pays producteurs à suivre la demande mondiale, le pays n’aurait pas d’alternative aux OGM. 

Mais les adversaires ne désarment pas, et les préjugés patriotiques n’arrangent rien.
Peng Guangqian, n°2 au Comité National de Sécurité Alimentaire, voit en l’OGM un nouvel opium dont l’Occident (Monsanto, DuPont, leaders de cette technologie) voudrait « empoisonner » la Chine. Li Jiayang, vice-ministre de l’Agriculture, voit son passé d’ancien consultant chez DuPont dévoilé par la presse, et est soupçonné d’« intérêt personnel ». Au Heilongjiang, un cadre professionnel accuse l’OGM de favoriser le cancer et la baisse de fertilité masculine…

En un coup de tonnerre, la commune de Zhangye (Gansu) annonce (25/10) l’interdiction sur son sol de toute plantation ou usage d’OGM. Devenu la 1ère ville chinoise « libérée du génétiquement modifié », Greenpeace l’en félicite. Ses motivations sont pourtant faciles à comprendre : Zhangye produisait l’an dernier 29% de la récolte nationale de maïs-semence (461.000 t), et ce ban est un moyen de protéger cette position à l’avenir. 

Pour l’instant, la Chine permet l’importation d’OGM de maïs, soja, canola et coton, non destinés à la consommation humaine. Mais une rumeur toujours plus forte assure que des volumes toujours plus importants de maïs OGM seraient déjà passés dans la chaîne alimentaire, et 80% du soja en Chine étant importé en OGM (comme aliment pour le bétail), on voit mal comment une partie ne se retrouve pas dans nos assiettes.

En attendant, suite à la météo défavorable de 2013, en divers points du pays (records de gel, puis de sécheresse, puis de crues), Pékin se préoccupe du potentiel d’autosuffisance alimentaire. Aujourd’hui élevé, grâce à un savoir-faire simple et minutieux, ce potentiel risque de reculer du fait de la stagnation de rendements poussés à leurs plafonds. 

Aussi Li Keqiang était les 4-6/11 à Fuyuan (Heilongjiang), un des greniers à céréales du pays, pour relancer l’enthousiasme et faire le point sur la réforme agraire-test, lancée régionalement en mars. Basée sur l’agrandissement des exploitations, elle misera sur les coopératives, qui sont déjà en plein essor : à 680.000, elles avaient augmenté de 30% en 2012. La réforme prévoit une baisse du seuil de chiffre d’affaires attendu des groupements de paysans pour leur octroyer ce statut, lequel leur permet d’accéder à une aide logistique et au crédit public pour se mécaniser et former. 

A ce plan, manque évidemment encore le chaînon essentiel : le droit au paysan de vendre (à son vrai prix) sa terre, ou de l’hypothéquer. Ce droit est un des points clés de la réforme du 3ème Plenum.

Sans doute pas par hasard, après le Zhejiang, Canton et Chongqing, l’Anhui annonce cette semaine un plan concernant 20 de ses districts, pour autoriser cessions ou hypothèques de terres non-cultivables, entre les paysans ou bien à une compagnie promotrice. À terme, une bourse spécialisée doit voir le jour.
Commentaire de Dan Gaoying, de la CASS : « les expropriations arbitraires cessent d’être rentables pour les pouvoirs locaux. Ils sont obligés de passer à autre chose » – ce qui, enfin, prendrait en compte l’intérêt du paysan.

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  1. Jean

    L’intérêt du paysan? Mais c’est véritablement révolutionnaire, ça! On n’en a plus entendu parler depuis la dynastie mandchoue…

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