Editorial : Une seconde vie pour la santé

MedecinDes nouvelles comme celles qui suivent, sont de nature à soutenir les réformes qui se négocient âprement à la veille du 3ème Plenum

Il y a encore 10 ans, la censure les confinait, épargnant au régime toute remise en cause de son mode de gouvernance privilégiant une élite. À présent, grâce à l’apparition des media sociaux de l’internet, elles circulent, agitent l’opinion : Pékin n’a d’autre choix que de passer à l’action.

– Cité par le Financial Times, un sondage de 2011 de l’ Association nationale des médecins prête à 78% d’entre eux le souhait que leur enfant ne fasse pas le même métier. 
Selon une autre source, jusqu’à 80% des médecins chinois n’ont embrassé cette carrière, qu’en raison d’un score trop faible au Gaokao (Bac). Dès que les étudiants le peuvent, ils quittent la fac de médecine pour d’autres filières.
Le manque de vocation s’explique d’abord par le salaire de départ : 2339¥ par mois, moins qu’une femme de ménage.
Autre problème : la violence qu’exprime ce sondage Xinhua (déc.2012-juil. 2013) réalisé dans 316 hôpitaux : angoissé par les agressions des patients (+27,3% en 2012), 40% du personnel soignant se prépare à quitter le métier. Bref, la profession de médecin, si prestigieuse à l’Ouest, est peu considérée en Chine. 

Mais les choses changent. 

L’image du médecin pourrait remonter avec cette seconde étape de la réforme de la santé que l’Etat annonce (14/10), vrai acte de naissance d’une médecine privée qui devrait peser 8 trillions de yuans (960MM€) d’ici 2020, avec des services, des compétences et des salaires mieux adaptés à la demande. 
Entreprises, ONG, fondations, assurances, locaux et étrangers -(en JV) seront autorisés comme investisseurs.
Contrairement à la pratique présente, tout secteur de la santé non-interdit, sera ouvert au privé.
Pour éviter que les investissements frais n’aillent qu’à la seule médecine de riches, l’Etat garde le monopole de ces services, quitte à les sous-traiter. Public et privé doivent coexister, en offrant aux investisseurs les mêmes condition qu’aux hôpitaux, en terme d’allocation de terrain, de tarif d’électricité, de subventions et d’impôts. Pour le professeur Zhou Zijun (de l’Université de Beida), le verrou administratif saute à présent – les fameuses « portes transparentes » invisibles qui bloquaient la médecine privée. Tout cela reste pour l’instant déclaration d’intention, mais c’est clair, la santé quitte les rivages maoïstes du « tout Etatique ». 

– Un pas en avant, un pas en arrière : médecins et ONG lèvent les bras au ciel face au projet de loi (15/10), pour bannir les séropositifs des maisons de bains et spas. Inopérant sous l’angle médical (le SIDA ne se transmet pas par l’eau), ce principe discriminatoire ne fera que repousser les malades dans la clandestinité, et favoriser la diffusion du virus hors de tout contrôle. 
Comme quoi, en matière de politique de santé, des préjugés plus moralistes que médicaux s’accrochent.

– À Tianjin, la mairie a révoqué ou mis à l’amende 13 médecins ayant été payés par Danone pour prescrire son lait maternisé Dumex.
Un parmi les quelques groupes mondiaux surpris cet été à ce genre de pratique, Danone a exprimé ses « profonds regrets » et son soutien à la politique nationale d’alimentation périnatale au sein – tout en précisant qu’il remplaçait la direction commerciale de la branche incriminée. 

Au demeurant, l’avenir du marché chinois reste souriant : en matière de lait pour bébés, les consommateurs gardent toutes leurs préventions contre l’offre « made in China » et selon EuroMonitor, la demande en lait maternisé va doubler en Chine d’ici 2017 à 25 milliards de $.

Mais il y a plus grave : on apprend (15/10) que Mark Reilly, ex-Président de GSK, le groupe pharmaceutique le plus touché par la frappe « anti-corruption des étrangers », est depuis fin août interdit de quitter la Chine. Il avait quitté le pays fin juin, pour y revenir à l’été « pour les besoins de l’enquête », laquelle a dernièrement été placée sous contrôle direct du 1er ministre. Signe de la sensitivité de cette affaire, des dizaines d’ex-employés chinois de GSK, demeurent incarcérés : pour le régime, une campagne anti-corruption n’a de sens que si elle frappe partout à la fois, Chinois ET étrangers ! 

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