Société : Les vacances du « chaos d’or »

Cette année encore, la semaine de la fête nationale (01-07/10) n’a pas failli à sa tradition de grand chambardement. 

À 430 millions, ce fut presque un tiers de la population qui se mit au tourisme, en hausse moyenne de 20% (avions : 7,7 millions, trains : 65 millions, routes et bateaux : 615 millions de passagers). Et si commerçants et hôtels peuvent se frotter les mains, le confort des usagers fut limité, entre files d’attentes et stress, avec pour tout paysage, « mers et montagnes d’êtres humains ». 

Les sites touristiques furent pris d’assaut (Cité Interdite : 170.000 visiteurs le 02/10, le double du plafond autorisé), au point de fermer les portails comme au parc de Jiuzhaigou (Sichuan). Des milliers d’heures furent perdues en queues et en embouteillages de milliers de bus sur d’étroites voies d’accès à travers des reliefs tourmentés. En sept jours, les 125 sites les plus célèbres étaient visités par 31,2 millions de voyageurs néophytes, laissant derrière eux les traces de leur passage. 
Ainsi le 1er octobre, Place Tian An Men, 110.000 patriotes jouaient à pousse-pousse pour voir le baisser du drapeau. Derrière eux, les escouades de nettoyeurs récupéraient 5t de déchets, et la presse résolument positive criait… au progrès, se rappelant des 20t de 2010. Pour pimenter le tout, un smog terrible terrassait la capitale, avec 400 microparticules (2,5µ) /m3 la nuit du 4/10.
Dai Bin, directeur de l’Académie nationale du tourisme concluait que ces congés nationaux avaient « atteint le stade des visites, mais pas encore celui de la détente ».

De là, on pourrait conclure – un peu hâtivement- que ce régime de tradition socialiste n’a pas su gérer les vacances de ses travailleurs. En effet, l’Etat semble avoir les mains liées : en guise d’ersatz de congés payés, ce dernier a rendu obligatoire ce « paquet » de vacances nationales, où administrations et entreprises chôment de concert—aux frais de l’employeur. Sinon, aucune entreprise n’offrirait de gaité de cœur des congés à ses employés. 

Ainsi en 2008, à l’occasion de la fête de la lumière pure (Qingmíng 清明), des bateaux dragons (Duānwǔ 端午) et de la mi-automne (Zhōngqiū 中秋), 3 jours fériés furent offerts aux masses laborieuses, pour atteindre 11 jours légaux par an (en réalité, en cumulant avec les reports sur les week-ends, le chiffre est bien supérieur). Hélas, cette réforme rata son but d’étaler et améliorer les congés.

Un sondage sur internet de l’Administration nationale du Tourisme vient de révéler que 82.2% des sondés critiquent l’organisation actuelle des congés nationaux et 56.6% sont en faveur de la suppression de la semaine d’octobre. La CCTV parla d’une « semaine d’or », devenue un « chaos d’or », et que cela pourrait accélérer la refonte du système – annoncée en février dernier pour 2020.
Alors, comme dans le monde d’économie mature, les congés se prendraient avec flexibilité, moyennant une révision des horaires. Song Haiyan, professeur de gestion touristique à Polytechnic University (HK) attend une véritable réforme pour 2016-2018. 

Ce délai s’explique d’une part, par la pression des entreprises, souvent peu enthousiastes à payer davantage leurs actifs à « ne rien faire ». D’autre part, aux yeux de Xi Jinping et Li Keqiang, les vacances sont importantes mais pas (encore) prioritaires ! Le pouvoir souhaite d’abord lancer son programme de réformes, immense et contesté… 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
9 de Votes
Ecrire un commentaire