Politique : La clé de l’énigme Xi Jinping ?

Xi Jinping Apec BaliÀ trois semaines du 3ème Plenum du PCC, Xi Jinping se trouve sur tous les fronts, dans le Hebei, comme à Bali, et s’adresse à la Thaïlande, comme à la Nouvelle Zélande, à Obama, comme aux cadres du Parti. Initiatives qui permettent de clarifier son programme depuis son arrivée au pouvoir en mars 2013. En un mot, il s’agit de faire la synthèse entre deux tendances internes : 

– la gauche « ultra », chapeautée par Liu Yunshan, chef de la Propagande, hostile à toute réforme qui menace les privilèges du clan des leaders historiques,

– et les réformateurs, industriels privés et intellectuels, sous la houlette du 1er ministre Li Keqiang qui souhaite la dérégulation du crédit et du sol, genre de prélude à la séparation du Parti et de l’Etat, qui s’applique d’abord dans des zones franches. 

Xi se trouve naturellement au confluent des deux tendances, étant fils de la nomenklatura, mais ayant aussi passé 30 ans de carrière dans le poumon économiques du delta du Yangtzé. Aussi, quoiqu’en apparence incompatibles, les deux tendances se réconcilient en la personne de Xi (homme aux amitiés multiples) et sur le but commun de la sauvegarde du Parti. Sa campagne anticorruption, la plus vaste depuis Mao, ne vise pas à l’éradiquer mais plutôt à enrayer sa croissance. Elle doit aussi rassurer la gauche sur l’avenir, et la préparer à accepter les concessions exigées par l’aile réformiste, au nom de la croissance et de la stabilité sociale. Sous prétexte de remettre au pas les cadres, elle adjure les apparatchiks de suivre une « ligne de masse » : en trois jours, Xi dirige 4 meetings télévisés dans le Hebei, séances de « critiques et d’autocritiques » qui rappellent inconfortablement des méthodes politiques en vogue 50 ans en arrière. 
Ce faisant, Xi occupe le terrain laissé libre par Bo Xilai, qui s’était attiré une vaste sympathie populaire de 2010 à 2012 par ses campagnes néo-maoïstes. 

Un slogan vient de conquérir sa place : la « lutte pour l’opinion publique » (yúlùn dòuzhēng 舆论斗争). Il s’agit d’un renforcement de la censure de l’internet, du jamais vu dans l’histoire. 

Officiellement, Pékin entretient 2 millions de censeurs, parfois dans le privé, payés de 6000 à 8000¥, pour effacer tout message non conforme. Ces « soldats de la pensée » seraient donc en effectifs bien supérieurs à ceux de l’Armée populaire de Libération (1,5 million d’actifs). Par cet énorme investissement, ils assurent l’ordre sur la toile, et permettent à Xi Jinping de faire passer ses positions en tous domaines, sans objection : avertir la Nouvelle Zélande sur la qualité de ses exports laitiers, Obama sur la dette américaine, ainsi que tout officier de l’APL, avant toute promotion ou sa retraite, qu’il devra subir un audit, ou tout fonctionnaire, qu’il devra plus penser au peuple..

Mais à vouloir satisfaire les deux tendances, tout ce qui sort pour l’heure, est cette pression autoritaire tandis que les dossiers clé des réformes restent dans l’ombre, affaiblissant leur crédibilité. En apparence, il ne s’agit donc pas d’un juste milieu mais d’un recadrage conservateur, en faveur des consortia, des provinces de l’intérieur et des clans au pouvoir.

Or l’état de grâce est à présent terminé. Pour que Xi puisse continuer à rassembler, il va falloir montrer autre chose, lors du Plenum. Il n’y a plus beaucoup de temps : en fait, sous la répression accrue, déjà l’opinion s’adapte et trouve d’autres moyens – voire plus de courage – de critiquer le « rêve de Chine » et le tourner en dérision…

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