Editorial : Malgré la fête, la Chine retient son souffle

Voici venir la Fête nationale, souvenir du 1er octobre 1949 où Mao consacra la naissan-ce de la RPC. Elle est précédée, ce 19/09, de la Fête du Zhongqiu (中秋) ou Mi-automne, qui marque le repos des paysans, une fois leurs greniers remplis avant l’hiver. 

Les « gâteaux de Lune » (月饼/yuèbǐng), cadeau de circonstance, doivent renfermer un jaune d’œuf de cane, symbole de ce jour de pleine lune et de fertilité. Mais en 2013, pour la 1ère fois, le pays semble délaisser cette délicatesse antique. Pour décourager la corruption, il est désormais interdit d’en acheter sur les deniers de l’Etat et embarrassant d’en recevoir – surtout si le coffret renferme des liasses de billets ou si les « biscuits » offerts, se révèlent (et cela arrive) en or ou argent massif.

Et puis on finit par se l’avouer, ces yuebing sont quelque peu bourratifs : les Hongkongais s’apprêtent discrètement à jeter 2 millions de mooncakes inmangés, la Chine bien plus… Les écolos fustigent le gâchis de ces 280.000 tonnes de vivres, hors de prix. On voit alors à Changsha (Hunan) une entreprise de décoration sauter le pas : en guise de galettes, elle offre à ses 300 employés, des poules vivantes. C’est ainsi que se dessine la fin d’une tradition d’une Chine rurale, devenue citadine. 

La croisade de Xi Jinping se poursuit

Poursuivant sa croisade anti-hédonisme, Xi Jinping s’adresse à l’APL (17/09), l’enjoignant d’assainir le recrutement, la formation des 2,25 millions de soldats. Xi poursuit les arrestations des bloggeurs aux « comptes vérifiés » big V’s»), suivis par des millions d’internautes. Un des derniers arrêtés (13/09) est Wang Gongquan, le fantasque financier bouddhiste, à qui l’on semble reprocher d’avoir trop défendu le xiànzhèng (宪政 – constitutionnalisme), thème en vogue parmi les citoyens en quête de participation à la vie publique. Ces derniers mois, différents média du Parti dénoncent le xianzheng, tel Dangjian qui l’accuse de vouloir « abolir le leadership du Parti, saper l’administration socialiste ». Les actions civiques, aussi, sont poursuivies : à Kunming (Yunnan), Dong Rubin est arrêté (10/09) pour avoir, avec quelques milliers d’autres, mis en échec un projet pétrochimique. Et une liste circule au sein de l’appareil, des « sept sujets tabous » interdits de publication et d’enseignement. Parmi ceux-ci figure, en bonne place, l’indépendance judiciaire !

Cette campagne à l’éventail large, s’en prend aussi aux acteurs de bavures policières. Suite au décès d’un ingénieur accusé de corruption en avril à Wenzhou (Zhejiang), ses 6 tortionnaires du tribunal local et de la CCID (police interne du Parti), sont jugés (16/09) et risquent la peine de mort.
Tel est le climat, à quelques semaines du 3ème Plenum, qui doit avaliser des réformes de fond. Li Keqiang, 1er ministre, auteur de ce plan, garde un optimisme de façade, tout en avertissant : « on entre dans les hauts fonds – s’agissant d’une réforme systémique où tout se tient, c’est le moment critique ». Selon une autre rumeur, Liu Yunshan, patron de la propagande au Comité permanent, est un élément de frein aux réformes, et de durcissement. Il n’est sans doute pas le seul : le « carré d’acier » des ultraconservateurs fait bloc. 

Ballet diplomatique sur la question syrienne

Un ballet diplomatique a agité la planète, sur la Syrie et ses armes chimiques dont le rapport de l’ONU incrimine (à mots couverts) B. el-Assad. Laurent Fabius, puis son homologue John Kerry, étaient à Pékin (14, 19/09) pour plaider le « lâchage » du leader syrien. La Chine (18/09) admet l’utilisation de gaz sarin à Damas le 21 août 2013 (et ses 1500 victimes), mais non l’identité de son auteur. Mais si Damas avait commis le crime, Pékin reconnait que ce serait la « ligne rouge dépassée », rendant impossible le maintien de son soutien. 

Les présomptions se multiplient, suite à la déclassification de données des services secrets français. Avec Washington et Londres, Paris rédige une résolution « forte » pour détruire les 1000 tonnes de stock de gaz sarin, puis stopper les violences. Le vote au Conseil de Sécurité aura lieu le 24/09. Selon nos sources, Pékin suivra Moscou qui pourrait renoncer à un 4ème véto sur ce dossier. Question de fond : la résolution s’appuiera-t-elle sur le chapitre 7 de la Charte de l’ONU, autorisant le recours à la force ? Le monde, Chine incluse, retient son souffle.

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