Macao, Hong Kong et Taiwan voient s’agrandir le fossé entre leurs opinions, à propos de la Chine, et de leurs élections locales, passées ou à venir. Partout, le parti pro-Chine est aux manettes – les électeurs reconnaissent l’ombrelle économique chinoise, protégeant leur bien-être contre vents et marées de la récession. Mais ils ressentent aussi un déficit en démocratie participative – partout se reflète un malaise envers Pékin.
Macao vivait le 15/09 le renouvellement partiel de son Leal Senado, avec 14 sièges à pourvoir. Les démocrates de l’opposition, sur leurs trois sièges, en ont gardé…deux ! Le corps législatif comptant 33 sièges (dont 19 discrétionnaires nommés par le gouverneur), l’opposition pèse donc… 6% de l’Assemblée.
Depuis le retour de Macao à la mère-patrie en 1999, une faveur électorale est accordée aux grandes fortunes patriciennes et aux proches de Pékin. Depuis cette date, les casinos, jusqu’alors verrouillés par Lisbonne, s’y sont multipliés. En même temps, l’argent des joueurs du continent a afflué : le niveau de vie s’est envolé… 23% du PIB vient du jeu, et le taux d’emploi est à 100%, même sans diplôme, favorisant de mauvaises habitudes – revers de la médaille… Aussi lors du scrutin, des électeurs furent transportés aux bureaux de vote par bus spéciaux, nourris, voire payés : deux acheteurs de votes furent arrêtés, ainsi que 14 photographes qui filmaient la façon dont votaient les gens. Quant aux électeurs désabusés face à cette mascarade, ils étaient 152.000, 5% de moins qu’en 2009.
Hong Kong se prépare au grand rendez-vous de l’élection du Chief Executive au suffrage universel, selon les accords scellés par Deng Xiaoping et Margaret Thatcher en 1984. Mais ni Pékin, ni l’actuel gouverneur Leung Chun-ying ne veulent en discuter. De ce fait, la patience des 6 millions d’insulaires est au plus bas. Le 13/09, la publication au Morning Post de la lettre ouverte de H. Swire, ministre britannique des Affaires étrangères qui soutenait cette réforme au nom de la « liberté de choix », eut l’effet d’une « bombe ». C’était une ingérence, mais elle était volontaire. Londres exprimait ainsi son impatience, et avertissait que tout déni de l’engagement ne resterait pas sans suite. La réponse de Pékin fut cinglante : Leung déclara que « HK n’avait pas besoin de l’aide de Londres », et que le Traité de retour, n’avait jamais promis le suffrage universel.
NB : Leung est mal aimé à Hong Kong, mais aussi à Pékin : appartenant à la faction de Jiang Zemin, il n’est pourtant pas aimé de Xi Jinping, ni de son prédécesseur Hu Jintao. Délicate position !
A Taiwan, le DPP d’opposition se cherche. Conscient d’avoir raté les élections de 2012 faute d’avoir su offrir à ses électeurs une politique claire sur la Chine, il cherche désormais l’alternative-miracle à la stratégie du KMT, de coopération tous azimuts : une formule qui plaise aux Taiwanais (pro-indépendance), aux USA (qui ne veulent pas d’ennuis), et à Pékin (impatient de récupérer la souveraineté sur l’île).
Heureusement pour le DPP, le KMT est davantage en difficulté, avec le Président Ma Ying-jeou et ses 9,2% de voix favorables – un score que même Chen Shui-bian, son prédécesseur (DPP) en prison pour corruption, n’a pas connu.
Un aspect du problème peut s’expliquer par le fait que la Chine a toujours traité ses enclaves avec « la carotte » (paternalisme économique) et « le bâton » (refus rigide de toute participation des masses à la désignation des leaders). Peut-être l’avenir serait-il dans l’ouverture et la reconnaissance de la spécificité des enclaves, de leur besoin d’autodétermination qui ne menace pas l’existence du régime.
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