Chaque jour, la dispute sino-nipponne sur la propriété de l’archipel Diaoyu-Senkaku s’aggrave. Nippon depuis 130 ans, le rachat en septembre 2012 de trois îles de l’archipel par Tokyo à une famille, a rompu l’équilibre et précipité la crise.
Derniers incidents : le 11/01, la Chine fait survoler les îles par un avion Y-8 de l’administration océanique chinoise – le temps qu’il faut pour que deux chasseurs nippons F15 le rejoignent et le suivent. C’est ce qu’attendaient deux bombardiers chinois J10, volant un peu plus loin, qui se mettent à leur tour à suivre les F15…Course poursuite aussi vaine que grandiloquente !
Le 16/01, l’administration chinoise de cartographie annonce un relevé général des îles, effort qu’elle prédit « difficile, du fait d’une occupation illégale par certains pays » (allusion à l’alliance de défense nippo-US). Sh. Abe, l’actuel 1er ministre nippon (LDP, droite nationaliste) visite Hanoï, Bangkok et Jakarta (16-18/01) : c’est pour resserrer l’alliance – après avoir sollicité le soutien de l’Otan. Pékin répond au Quotidien du Peuple que « toute tentative d’encercler la Chine est vouée à l’échec ».
On assiste aussi au bal des manœuvres : près de Tokyo s’en déroulait une série le 13/01. L’APL, l’armée chinoise, prépare les siennes, et instruit ses trois armes à se tenir prêtes à « la guerre ». Pris entre deux feux, Taiwan programme 62 manœuvres en 2013 et toute l’Asie réarme aussi vite qu’elle peut.
Cependant, au-delà de tous ces cris de « retenez-moi », d’autres actions se poursuivent, plus discrètes.
Le 14/01, l’ex-ministre de l’éducation japonais, K. Kosaka, rencontre le vice-ministre des Affaires étrangères chinois, Fu Ying, pour préparer la visite d’un envoyé spécial du LPD. Kosaka est suivi (15/01) de l’ex-1er ministre Y. Hatoyama, qui fait tout pour dissiper la tension : il visite le musée de Nankin (témoin des 200 à 300.000 victimes des massacres du Mikado en 1937), y présente des excuses spectaculaires au nom de son pays. Il déclare que le Japon devrait admettre l’existence d’un conflit sur les îles : furieuse, Tokyo proteste.
NB : dès 2012, Hatoyama avait été reçu par le tandem Xi Jinping –Li Keqiang qui, voyant le clash inéluctable, préparait cette seconde ligne de communication d’urgence.
Sur ce monceau de positions contradictoires, un éclairage peut permettre d’y voir plus clair.
La Banque mondiale prédit pour le Japon un PIB en hausse de 0,8% en 2013, puis d’1,2% et 1,5% en 2014 et 2015, à condition de régler son problème avec la Chine.
Si elle se réalise, ce sera une croissance médiocre, surtout après les 224 milliards de $ que Tokyo aura lancé en stimulus, (une action d’ailleurs estimée à risque par les experts, alors que le Japon croule sous des dettes de 220% de son PIB). Tandis que la Chine elle, maintient la vapeur, en tête des nations en croissance, visant +8,4% en 2013. En cas de conflit, c’est évidemment Tokyo qui a le plus à perdre. Certes, Abe mise sur ses dernières cartes, le renforcement des échanges avec Inde et Asie du Sud-Est. Mais entre eux s’étale l’Empire du Milieu, chaque jour plus fort…
Ce qui est en jeu n’est pas les Senkaku, mais le leadership sur l’Asie. Pour Tokyo, il peut être traumatisant de le perdre, surtout au rival de toujours. Mais il sera encore moins supportable de tuer le dernier ressort de sa croissance, le marché et l’emploi chinois.
Dernier élément de ce conflit : il manquait jusqu’alors entre les deux pays un geste symbolique de générosité d’un des partenaires. Hatoyama vient-il de le faire ?
Sommaire N° 3