Editorial : Bo Xilai, CNPC, SASAC : Xi Jinping fait d’une pierre deux coups

Dix jours après sa clôture, le procès de Bo Xilai n’en finit pas de faire des vagues, et des mécontents.

Fâché que le procès ait trainé en longueur, des deux jours prévus à cinq, le pouvoir a limogé l’administrateur en charge de sa tenue. C’est que ce mystérieux délai, peut-être dû à une sympathie envers l’accusé, avait permis à ce dernier de jouer de ses talents d’orateur pour apparaître presque vertueux ou injustement frappé. 

En face, des intellectuels détestant la ligne et les manières arbitraires de Bo à la tête de Chongqing, reprochent à Pékin l’« erreur » de lui avoir laissé l’occasion d’une telle tribune, et d’avoir axé le procès sur sa seule corruption, laissant dans l’ombre ses agissements politiques… 

On voit ainsi, à travers le personnage de Bo Xilai, dont le sort se décide en ce moment, deux Chine, une Mao-nostalgique et une réformatrice, et entre les deux, un Etat en recherche d’un fragile équilibre. Mais qu’on ne s’y trompe pas, quelque soit le verdict, il ne plaira à personne. 

Vient ensuite l’enquête (01/09) sur Zhou Yongkang, pour corruption bien sûr. L’ancien « Tzar » de la police, n’est –encore – ni accusé ni inculpé, mais c’est l’homme charnière, des ambitions de Bo Xilai (dont il était très proche), et ‚du pouvoir de la SASAC, ombrelle d’une centaine de consortia d’Etat et de la CNPC, 3ème compagnie pétrolière mondiale. 

Suit (02/09) l’enquête sur Jiang Jiemin, n°1 de la CNPC jusqu’en mars puis n°1 de la SASAC, un des lieutenants de Zhou Yongkang. En 48h, il est limogé : extrême brièveté qui tend à suggérer que le pouvoir a toutes ses preuves en main. De source nippone, Huang Bangsong, 47 ans, milliardaire pétrolier, recevait de la SASAC des infos réglementaires secrètes en matière d’énergie, qu’il repassait au fils de Zhou Yongkang, lui permettant de faire de juteuses affaires avant les autres… 

Plusieurs autres alliés de Zhou Yongkang ont précédé Jiang Jiemin en cette fâcheuse posture : tels Guo Yongxiang, ex vice-gouverneur du Sichuan, Li Chuncheng, ex vice-secrétaire du Sichuan, Li Hualin et Tao Yuchun, leaders à la CNPC. Avec eux coule le « gang de Shengli », groupe de pression du nom du second gisement pétrolier du pays, au Shandong, par où tous sont passés à la suite de Zhou. 

Arrêtons-nous sur ce formidable coup porté à la SASAC et à la CNPC – deux des corps les plus puissants de la RPC. Il établit la puissance de Xi Jinping, inégalée depuis 20 ans pour un leader et acquise en peu de mois – Xi Jinping n’est au pouvoir que depuis le XVIII. Congrès d’octobre 2012, voire le Plenum de l’ANP de mars 2013. C’est un avertissement du sérieux du régime sur sa volonté d’éradiquer la corruption, mortelle pour l’image et la légitimité du Parti. 

Dans cette frappe, il faut aussi voir un préparatif au 3ème Plenum de novembre où les instances doivent voter des réformes de fond et principes politiques de rupture. SASAC et CNPC appartenaient au « mur d’argent » hostile à tout progrès contraire à leurs intérêts. Aussi Xi fait d’une pierre deux coups, frappant tout en agissant sur son levier : le verdict de Bo Xilai n’est pas encore sorti, et Zhou Yongkang pas encore inculpé

Xi prépare une réforme et ne rate pas non plus une occasion de citer Mao. Sous prétexte de corruption, il frappe à gauche, mais au nom de la stabilité, il frappe à droite. Tout cela pour imposer son consensus, sous l’ombrelle du « rêve de Chine ». 

Il est probable qu’après cette affaire, la CNPC et d’autres consortia d’Etat perdront de l’influence, des privilèges. En fait, c’est déjà le cas. Wang Dongjin, nouveau commodore du géant pétrolier, a réduit les invests, tels ceux d’achats de réserves (57 milliards $ l’an dernier, dont certains estimés fort hasardeux). Wang annonce une « nouvelle phase de développement… orientée vers la qualité et la quête du profit, plus que les marges brutes et l’expansion ». Un langage inédit chez un groupe créé par Mao et qui jusqu’à hier, en gardait le modèle, voire l’âme. Et c’est ainsi qu’à toute vitesse, les pneus hurlant sur l’asphalte, la Chine prend un virage—sans le dire.

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  1. Jean

    Cette narration au rythme haletant sur la corruption, c’est du Simenon de haute volée!

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