Sur l’affaire GSK, ce laboratroire britannique accusé de corruption de milliers de médecins, Pékin semble avoir opté pour un battage maximal et un nettoyage strict de l’ensemble du secteur.
Suite à dénonciation, la pratique frauduleuse est désormais établie.
GSK payait les médecins via des agences de voyages, pour prescrire ses remèdes.
Les détails s’accumulent, ternissant l’image d’un groupe très impliqué dans la santé chinoise avec cinq usines, 7000 actifs et un centre de R&D. Huang Hong, le GM-Chine (en prison depuis l’été avec trois autres cadres) invoque l’extrême pression imposée par M. Reilly, l’ex-Prsdt-Chine qui avait fixé l’objectif de ventes à +25%/an, 7% de plus que la hausse de la demande. « Un tel résultat ne pouvait pas être atteint par des moyens légaux ».
Aussi la corruption était-elle sophistiquée et lourde, à deux étages, avec 490 millions de $ alloués en quelques années aux médecins et 10 millions de ¥/an offerts aux cadres-clés des hôpitaux, sous forme de cadeaux, chèques, ou « séminaires » dans des sites prestigieux à l’étranger. Guo Jianhua, la DRH, renchérit : les cadres étaient supposés agir en leurs noms. En cas de « pépin », GSK ne les couvrait pas.
Pour l’Etat, ce déballage a un sens : selon Xinhua, « il devient clair que cette pratique était organisée par GSK-Chine, et non par ses commerciaux à titre individuel ». Or, une telle conclusion infirme d’avance toute prétention de la direction qu’elle ne savait rien. Elle va devoir se défendre devant les instances chinoises mais aussi devant celles du Royaume-Uni, sous le coup de la loi UK Bribery Act, et des USA, sous celui de la US Foreign Corrupt Practices Act. Et là aussi, de lourdes sanctions sont à attendre.
Pékin médite une amende salée : le ministre de la Sécurité Publique évoque (04/09) le précédent de GSK en 2012 aux USA, condamné à payer 3 milliards $ pour « promotion illicite de remèdes » « défaut d’information sécuritaire» et « étiquetage frauduleux ».
Si Pékin s’acharne, c’est bien sûr d’abord au nom de la campagne anti-corruption, fer de lance du mandat de Xi Jinping et Li Keqiang. Mais il y a une autre raison, plus directe.
Une enquête de l’American Medical Association (AMA) tout juste publiée, voit en Chine 114 millions de diabétiques (un fléau contre lequel tous les labos sous enquête vendent un remède dans le pays), et ce n’est qu’un début !
Dans la population, 40% des 18-29 ans et 47% des 30-39 ans sont pré-diabétiques. Les coûts seront terribles, tant en heures de travail qu’en soins : laisser des groupes comme GSK corrompre pour accaparer le marché et supprimer la concurrence, était inadmissible.
L’Etat prend soin d’ajouter que de tels agissements, tous les laboratoires les pratiquent, chinois y compris. La presse réfléchit et découvre une autre source de cette dérive dans la carence réglementaire. Car sur le fond, le dialogue médecins/labos est légitime et nécessaire : aux soignants pour suivre les nouveaux remèdes, et aux industriels, pour entendre la demande des médecins confrontés en permanence à de nouvelles pathologies.
L’Etat va donc devoir combler la lacune et le cadre légal. Pourquoi, demande la Chambre de Commerce Européenne, seuls les étrangers sont touchés ?
En l’absence de réponse, il est permis de penser que la Chine, s’apprêtant à nettoyer la pharmacie locale de ses producteurs de mauvais médicaments, laissera de facto place libre aux étrangers, en qui le marché a bien plus confiance. Dès lors, comme sur le marché du lait, la tutelle centrale veut d’abord rectifier les dérives des géants extérieurs, mais aussi se prémunir d’une accusation future de favoritisme envers les étrangers !
Sommaire N° 29