Editorial : Canicule politique

Meteo Canicule Chine 2013 Nasa

Une plaie qui frappa la Chine cet été : la canicule, avec un record de 78°C à Turpan (Xinjiang – température au sol) en août, tandis que des trombes d’eau sur le Dongbei fin août forçaient la population à fuir leurs logis – au 28/08, on comptait 90 morts. Succédant à d’autres calamités (le gel de janvier, les pluies de mai sur le Henan), il en découle un recul de la récolte de blé d’été, le premier en 10 ans : 16% perdus, 20 millions de tonnes. Dès lors, pour compenser, la Chine achète à l’étranger : les traders estiment à 10 millions de tonnes ses importations en 2013, contre 3 millions de tonnes en 2012. La Chine détrône, comme 1er importateur, l’Egypte qui risque de ne plus pouvoir se nourrir : au bord du gouffre, elle n’a plus que 45 jours de réserves.
Diverses prédictions que nous avancions avant l’été, se sont vérifiées : Œ

– Tel le procès de Bo Xilai qui vient de se tenir (23-26/08). Comme prévu, la Cour a volontairement gommé tout volet politique. Pour autant, des surprises fusèrent, tant sur les révélations que le régime était disposé à tolérer sur l’affaire (sur la « corruption » et la « débauche » des élites) que sur la vive défense opposée par le tribun au banc des accusés (cf page 2).

– Comme prévu, la hache de guerre a temporairement été enterrée avec l’Union Européenne, sur les panneaux solaires. Dans ce ciel rasséréné, Allemagne et France peuvent boucler de fructueuses affaires.

Ž La dérégulation des taux d’intérêt a été poursuivie par la Banque centrale, comme succédané à la planche à billets.
Celle du taux de prêt fut levée le 18/07. Celle du taux de dépôt demeure, à 110% du taux pivot, mais les banques annoncent l’émission de dizaines de milliards de ¥ de certificats de dépôts à 3 à 6 mois, échangeables sur le marché interbancaire. C’est une étape vers la libéralisation, garantissant la présence de liquidités, et la relaxation des contrôles sur la rémunération de l’épargne.

Ce train de mesures fait partie du programme du 1er ministre Li Keqiang, en mê-me temps que la levée des barrières d’entrée aux marchés et celle des monopoles, et la réforme des institutions qui vise à déléguer d’importantes prérogatives aux niveaux intermédiaires. 

Par contre, suite au conclave balnéaire à Beidaihe début août , Li et Xi Jinping le n°1, semblent avoir du mal pour leur plan géant d’urbanisation (pour 300 millions de migrants sur 20 ans, l’octroi des mêmes droits qu’aux citadins de souche, coût estimé par l’UNDP à 6800 milliards $). Ils ont affronté une coalition de provinces endettées, de milliardaires craignant pour leurs fortunes, et de banques fragilisées par leurs mauvais prêts (telle la CITIC, sur le delta du Yangtzé : + 90% depuis janvier). Face à la fronde, l’Etat fait le dos rond : ce frein à la croissance, c’est lui qui l’a voulu, en bloquant le crédit. Et il le contrôle, en maintenant d’avril à juin une croissance à 7,5%.

Que penser de l’annonce (26/08) du 3ème Plenum du Comité Central, en novembre, par le Bureau Politique réuni dans l’heure suivant la fin du procès de Bo Xilai ? 
Deux lectures sont possibles : soit ce régime où la vieille garde politique reste ultra-influente, garde foi dans le potentiel de développement du pays pour 10 ans, sous ses règles actuelles sans rien changer d’essentiel ; soit (et c‘est notre impression) Xi et Li, après avoir gagné cette bataille cruciale sur les mao-nostalgiques, ont emporté un combat décisif à Beidaihe, pour jeter toutes leurs forces dans la réforme et « battre le fer pendant qu’il est rouge ». 

Xi poursuit son programme improbable mais pragmatique d’alliance des ailes conservatrice et libérale (le fameux « Rêve de Chine ») – sans doute pour rassembler les voix favorables à son programme de réformes au Plenum. Il donne des gages à la gauche, notamment par son dernier « document n°9 », pamphlet contre la démocratie mondiale. 
En échange, Jiang Zemin, son ultra-conservateur prédécesseur, lui apporte son ostensible soutien. Xi place aussi, dans l’armée et dans le civil, ses hommes de confiance et poursuit censure et arrestations de critiques trop remuants. Il se renforce donc, bien plus vite et plus fort que n’avait pu le faire Hu Jintao, avant lui. De la sorte, il poursuit une politique avec deux fers au feu. L’une, pour se faire des amis et ne toucher à rien. L’autre, pour pousser la réforme, sans en avoir l’air.
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  1. Gilles

    78 °C ? Vraiment ? Les records de température au dessus de 50°C ne sont pas légion. A 22° de l’ébullition, ça me parait un peu too much.

  2. Le Vent de la Chine

    C’est effectivement la température au sol relevée à Turpan, aux Montagnes Flamboyantes début août. Xinhua confirme (cf lien dans le texte) !

  3. Gilles

    Au soleil et sous le pare brise on peut aussi obtenir des high scores ! Bref, c’est pas homologué par le Guiness Book, mais c’est bon pour les légendes touristiques locales et pratique pour faire cuire des oeufs si on a oublié son camping gaz.

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