L’été, la ville se vide… C’est le moment pour l’équipe au pouvoir de faire passer ses décisions difficiles, alors que les opposants, clans et mouvances sont « à la plage ». Aussi pour ce dernier numéro avant la césure estivale, observons ce que préparent Xi Jinping, chef du Parti et Li Keqiang, patron du Conseil d’Etat.
Ces temps-ci, le chef de l’Etat est hyperactif, multipliant les meetings et les propositions en tous domaines. Il s’agit de préparer les propositions au Parti, lors du 3ème Plenum du XVIII. Congrès en novembre. Mais s’agissant de déboulonner les privilèges pour sustenter le programme d’urbanisation, Xi se voit opposer une cuirasse de refus universel. Les 22-25 juin, c’est un sommet contre formalisme, extravagance, abus de pouvoir et indiscipline, pour remettre sur ses rails un appareil perclus de corruption.
Lors des promotions des hauts cadres, il propose de tenir compte de la croissance brute mais aussi du respect de l’environnement et du bien social. La presse en a parlé librement et avec force de détails – un signe de confiance en la capacité de Xi à rassembler. Mais on attend toujours des résultats concrets… Ainsi, 15 jours après, le verdict contre Liu Zhijun (cf photo), l’ex-ministre des Chemins de fer (08/07) n’est pas des plus probants sur la volonté de discipliner les cadres corrompus. Surnommé « Monsieur 4% » pour la part qu’il prélevait sur des contrats de TGV en milliards de $, cet apparatchik écope de la peine de mort, mais assortie du sursis, ce qui lui permet d’espérer la sortie « médicale » dans 6 ans. Suite à ce verdict ambigu, on peut se demander si Pékin ne va pas mettre à profit cette trêve balnéaire pour boucler le procès de Bo Xilai, assorti d’un jugement de la même texture mi-sévère mi-douce, s’évitant ainsi un battage de presse et une déchirure dans l’opinion.
Sur le dossier de la recentralisation du pouvoir, Xi progresse. À son arrivée, seuls 2 gouverneurs provinciaux sur 32 étaient nommés par Pékin. Ils sont à présent 11 sur les 22 nommés dernièrement, ce qui permet d’espérer un retour de la discipline, notamment dans les politiques à la traîne, tels l’environnement et la finance.
Autre sommet, autre blocage : les 2-5 juillet, se tenait à Pékin un meeting entre Banque Centrale, CBRC et les banques, où Xi Jinping tentait de faire accepter la dérégulation des taux d’intérêts. Ce furent les géants bancaires des « 4 soeurs » qui bloquèrent, au nom des marges que ces taux leur assurent, alléguant la crainte de perdre le contrôle de la situation. Fin juin, en panne de cash, ICBC et Banque de Chine avaient dû cesser leurs prêts.
Nonobstant cet échec, Xi semble confiant de pouvoir, lors d’un autre sommet financier en octobre, ôter aux provinces le contrôle des ventes foncières et leur rendre pour compenser une source de finance par obligations (déjà permises aux provinces les plus riches, Shandong, Jiangsu, Guangdong, Zhejiang, Shanghai et Shenzhen) et la taxe foncière aujourd’hui limitée à Pékin et Shanghai. S’il réussit, il aura doté le pays d’un nouveau principe de taxation, plus durable.
Ainsi, le combat n°1 de Xi est la finance, et ce sont les banques qui bloquent. On soupçonne en fait qu’elles agissent pour le compte de leurs gros clients (mairies, GEE), avec qui elles ont partie liée. Ces clients sont les privilégiés de ce système de crédit étatique, discriminatoire et à bas taux. La dérégulation leur ferait payer leur crédit à son juste prix, en fonction de la rentabilité objective (souvent faible) du projet. De la sorte, ils devraient repenser pour la première fois leurs investissements en terme de rentabilité et de valeur sociale : la masse monétaire irait davantage vers ceux qui génèrent les emplois – PME et secteur privé.
Cet été, on peut aussi s’attendre à voir Xi Jinping enterrer le contentieux avec l’UE sur les panneaux solaires, en offrant un engagement volontaire de prix minima et de quotas ; améliorer le climat avec le Japon – il fait déjà réguler le cinéma de manière à tempérer les bouffées de xénophobie ; et travailler à la relation avec Hong Kong, aujourd’hui tendue pour cause de démocratie: Zhang Xiaoming, le représentant national sur le Rocher, invite le Legco (Parlement) à déjeuner pour aborder « toutes les questions », depuis trop longtemps escamotées !
Sommaire N° 25-26