Suite à une plainte des groupes vinicoles chinois, le ministère du Commerce lance (01/07) une enquête sur les subventions aux vins européens exportés en Empire du Milieu, soit environ 300 millions de litres, dont 70% made in France. Pékin se donne un an pour établir s’il y a soutien étatique, voire imposer des taxes compensatoires. Pour Bruxelles, c’est une tactique de Pékin pour forcer l’Union Européenne à faire marche arrière sur les sanctions en cours, imposées par l’Europe sur les panneaux solaires chinois (la décision finale doit tomber le 06/08).
En même temps se multiplient les investissements étrangers ou chinois dans des vignobles haut de gamme.
– Tel le « Domaine Chandon » (Ningxia) de Moët Hennessy Asia Pacific (LVMH), qui prépare pour 2014 une cave de méthode champenoise à partir de Chardonnay et Pinot noir, et un château destiné au vin rouge, sur les prestigieux coteaux de Shangrila (Yunnan).
– D’autres projets de haut vol se profilent au Xinjiang – autre région vinicole, grâce à un ensoleillement intense et des sols pauvres idéalement drainés.
– Tandis que Changyu ou Dynasty progressent en volume et en qualité depuis des années à coup de dizaines de millions d’euros d’invest. Tel encore le château Hansen du milliardaire Han Jianping à Wuhai (Mongolie Intérieure) qui vient presque de doubler son vignoble en 2012 à 450 hectares de Mer-lot, Cabernet et Gernischt pour vendanger 6.000 tonnes de raisin, l’équivalent de 4,5 millions de bouteilles.
Certes, son autre projet encore plus géant, 3500 hectares de vigne à Erdos qui aurait dû aboutir d’ici 2020 à 20 millions de bouteilles de vin vieilli dans 30.000 barriques, est remisé sine die.
Sous l’effet de la récession et de la campagne de frugalité, les acheteurs se font rares. Mais même ainsi, avec 1600 barriques pleine en cave, Hansen revendique le premier potentiel national de vin de qualité et dans ces volumes, la production se vend sans peine à travers le nord du pays, promu par les 300 commerciaux du groupe, à des prix entre 500 et 6 000 yuans la bouteille.
Face à ces deux développements parallèles (production de haut de gamme, action anti-dumping), une question s’impose : Pékin ne chercherait-il pas à écarter l’étranger de son marché ? Selon les experts, le marché asiatique est appelé à passer 1er mondial en 2016, avec 3,68 milliards de caisses, soit plus de 290 millions, dont les 3/4 auront été achetées en Chine.
Bruno Paumard, maître de chais chez Hansen n’y croit pas trop. Pour lui : même si le vin importé atteint 20% selon la statistique, l’importation réelle, en tenant compte des fraudes de vin chinois vendu sous étiquette étrangère, ne dépasse pas les 5%. Dans le lac de vin made in China, c’est une gouttelette, qu’il serait maladroit pour l’Etat de faire disparaître, vu les plaintes qui suivront des pays exportateurs comme des connaisseurs/consommateurs chinois en vin.
De plus, une poignée de gros producteurs chinois parviennent à imposer des prix élevés à leur meilleurs crus – grâce au travail de leurs circuits de distribution. Mais à l’étranger, ces circuits sont hors de leur contrôle, et leur intérêt est donc de concentrer leur effort de vente sur leur marché intérieur. « Les viticulteurs européens n’ont pas de souci à se faire, conclut B. Paumard, ils resteront longtemps le nec plus ultra en Chine, et nous, les producteurs chinois concentrerons sur leur marché intérieur » – dont acte, mais affaire à suivre !
Sommaire N° 24