La tension monte au Xinjiang (26/06), quand un commando rebelle investit Lukqun (cf VdlC 23), brûle un chantier, une mairie, des commissariats, des commerces, égorge 24 hommes – 11 assaillants sont tués. Le 28/06, Hotan à son tour est frappée par 100 Ouighours à motos, armés de dagues (bilan inconnu). Les attaques semblent programmées pour commémorer l’émeute fulgurante du 5 juillet 2009 qui avait fait 200 morts, surtout à Urumqi. Pour Pékin, c’est le signal que ses 20 ans d’efforts pour améliorer le niveau de vie n’ont pas suffi à réconcilier avec la nation le territoire annexé en 1951.
Comme pour pallier l’échec, la presse émet une autre explication, curieuse et inquiétante. Arrêté depuis, le conjuré Mehmet Ali aurait admis appartenir au groupe séparatiste ETIM et avoir combattu en Syrie avec les opposants à B. el Assad, le dictateur soutenu par Moscou et Pékin. Selon l’ambassadeur syrien, jusqu’à 30 Ouighours seraient dans ce cas, formés dans des camps turcs, dont certains retournés au Xinjiang, impliqués en ces actes d’intifada. En passant, la presse critique discrètement les accords sino-turcs de 2010 ayant permis d’envoyer 40.000 étudiants islamiques chinois en stage dans 30.000 mosquées turques.
Ce qui est sûr : 100 à 150 mutins ont pris les armes fin juin. Les forces de l’ordre ont mis la tête de 11 rebelles à prix (50 à 100.000¥). Des milliers de paramilitaires ont paradé, relayés par les média, pour décourager toute protestation. Les routes sont barrées. Les habitants sont avertis de remettre tout matériau séditieux et couteau (de + de 22 cm) sous peine de lourdes sanctions.
L’objectif immédiat, d’éviter tout esclandre le 5 juillet, a été atteint. Mais c’est clair, pour le tandem Xi Jinping – Li Keqiang, anxieux de réformes, il y aura des conséquences à tirer, tant sur la tolérance zéro menée au Xinjiang depuis 20 ans, que sur les moyens déployés après les émeutes. Ainsi pour l’expert Jiang Zhaoyong, les appels à la délation n’ont guère de chance d’être entendus, tant le fossé est profond entre l’administration et la communauté ethnique…
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« Sur un autre registre, le régime avance avec davantage de tonus : la lutte anti-corruption, dossier n°1 du pays, auquel le Politburo a consacré 3 jours de conclave (22-25/06) présidé par Xi Jinping. Il en ressort une série de règles inédites, telle la standardisation nationale des avantages consentis aux cadres et de l’évaluation des performances (préalable aux promotions), incluant désormais des points de « conduite frugale ». Portant la bataille au sein de l’APL, Xi ordonne aussi à la Commission Militaire Centrale les premiers audits et une base de données des actifs des casernes, sous la responsabilité du général Zhao Keshi, patron du Département général de la logistique.
Un outil nouveau anti-abus suscite la risée des internautes (01/07) : le site web d’accueil des pétitions qui, surchargé, crasha dès les premières heures. Autre outil promis à un bel avenir : dès maintenant, toute firme qui brigue un appel d’offre public, doit présenter un certificat de non-corruption depuis 10 ans, délivré par le Procureur Public de Pékin. Enfin, au 20/06, date limite, tous les ayant-droit à des cartes gratuites d’entrée à divers clubs d’élite, ont dû les remettre. Une initiative très efficace de Wang Qishan, le chef de la police du Parti : autour de la capitale, les clubs de golf sont presque déserts…
Entretemps, pris dans l’un ou l’autre de ces filets, tombent de hauts cadres par dizaines : Wang Suyi, vice-min. (Mongo-lie Intre), Li Chuncheng (ex vice-secrétaire du Sichuan), Wu Dao (policier, Chengdu), Guo Yongxiang (Fédération des lettres, Chengdu) Zhu Yanfeng (vice- Secr. Jilin), Ni Fake (ex-vice-gouverneur de l’Anhui)…
L’aspect étrange est que cette campagne vise des hommes de second rang, lieutenants d’autres personnalités plus élevées, qui elles, restent épargnées.
De tels hauts personnages, souvent en retraite et souvent conservateurs, font barrage aux réformes en discussion au sommet, à valider lors du 3ème Plénum du XVIII. Congrès. Ainsi, la frappe sur leurs hommes-liges fait penser à un « donnant, donnant » : les dirigeants tentent d’obtenir d’eux des concessions, en échange de leur impunité !
Sommaire N° 24