Présent en Chine depuis 1995, Carrefour (家乐福) est le premier employeur français, avec 60.000 emplois et 220 hypermarchés dans 65 villes. Mais depuis 2011, comme pour reprendre son souffle, le groupe semble avancer moins vite : de n°2 national de la grande distribution, il passe n°4 en 2013, avec 6,9% du marché et une croissance (5,1%) inférieure aux 7,9% du PIB. Au plan mondial, ces dernières années, il revend ses actifs sur des marchés parfois prometteurs tels Russie ou Mexique.
Que se passe-t-il, et que signifient ces choix ? Comme nous l’a expliqué Thierry Garnier, le Président-Chine, loin d’être symptôme de crise, ils traduisent un passage à l’âge adulte après une enfance tumultueuse en ce pays. Ainsi, les cessions d’actifs dans divers pays étaient nécessaires du fait d’une présence trop minoritaire (comme celle de n°4 en Malaisie), couplée à l’incapacité d’investir sur tous les fronts. Aussi Georges Plassat, le nouveau CEO, a fait le choix de deux priorités claires : Chine et Brésil, pour tailler dans les entrées récentes celles qui ne parvenaient pas à percer.
En Chine-même, la structure financière en partenariat apparaît « pérenne » : Carrefour compte 4 investisseurs publics provinciaux (Pékin, Shanghai, Guangdong, Jiangsu) et un privé (Shijiazhuang), formule qui satisferait toutes les parties.
Carrefour est le groupe commercial chinois le plus cité dans la presse : 800.000 fois l’an dernier. C’est la célébrité, mais aussi un risque de prêter le flan plus facilement aux critiques, en cas de « pépin » local ou tout simplement, comme en 2008, de campagne nationaliste. Aussi cette situation a conduit le groupe à travailler bien plus vite et systématiquement au règlement structurel des problèmes avec d’imposants moyens déployés. Résultat : le nombre d’articles critiques fût divisé par deux.
Pour soigner son image « écolo », Carrefour a réduit sa consommation électrique de 28% par an par m² depuis 2006. Il a créé 43 mini-labos, et 4 labos régionaux pour détecter dans les produits alimentaires 65 types de fautes, tels bactéries, additifs, antibiotiques et pesticides. Et depuis cet été, pour les fruits et légumes, dans tous magasins, l’acheteur peut scanner le code QR pour voir apparaître sur son smartphone la date et le lieu d’origine…
Les paysans sont formés et associés : 30% des fruits et légumes sont achetés directement à 534 associations de paysans (ils seront 50% en 2015), et 6000 associations ont bénéficié du programme de formation Carrefour, pour mieux produire selon les normes. Le personnel lui, est intéressé aux ventes : si l’objectif est atteint, l’hypermarché entier touche jusqu’à 2 mois de salaire supplémentaire !
Autant d’initiatives qui rendent le groupe populaire, y compris auprès de Li Keqiang, le 1er ministre, qui recevait le 5 juin Georges Plassat (avec 13 autres PDG de multinationales). Pour 2013, le groupe compte ouvrir 20 à 25 magasins : un rythme pas aussi rapide que d’autres groupes tel Sun Art (la JV d’Auchan-Ruentex) – mais qui, à en croire Thierry Garnier, assure la rentabilité. « Nous serons encore là dans 50 ans », assure-t-il !
Sommaire N° 24