Banque : Crédit : le bras de fer entre Li Keqiang et les provinces

En mai 2013, le 1er ministre, Li Keqiang s’est exprimé contre l’emploi d’un nouveau « stimulus » (une vaste série de crédits offerts aux consortia et aux provinces) pour financer son imminent plan décennal d’urbanisation, qui doit être validé à l’ANP, les 26-29 juin. 250 millions de paysans doivent être accueillis en ville, pour y recevoir, à terme, les mêmes droits que les résidents légaux. A cette planche à billets comme levier de relance, Li préfère un allègement de la machine étatique : une abrogation de centaines de pouvoirs de licences à charge des instances centrales et provinciales. 

On peut comprendre pourquoi, en lisant les rapports de Fitch et Nomura, agences de notation des économies. Après avoir financé toutes sortes de projets discrétionnaires, les 600 milliards $ du stimulus de 2008 sont toujours là, recyclés dans la finance grise. Et à présent, ils distillent du poison en maintenant en vie des projets et pratiques que l’Etat voudrait décourager. Paradoxe : alors que Pékin s’efforce d’assécher le marais du crédit gris, les provinces se ruent sur l’épargne de hordes de bailleurs de fonds privés, dont les banques drainent le crédit par des produits financiers qui sont les dettes des provinces, « réemballées » à taux toujours plus élevés. 

Jeu dangereux, car un tel rendement ne pourra jamais être atteint. Souvent programmés à seule fin de soutenir la croissance locale sans se préoccuper de leur utilité, ces projets sont souvent sans marché garanti. Si l’Etat parvient à enrayer cette source de mauvais prêts, des provinces se trouveront en cessation de paiement, et s’il n’y parvient pas, les mauvaises dettes augmenteront encore.

Les chiffres de Fitch sont éloquents. En 5 ans, le crédit chinois a plus que doublé, de 9 000 à 23000 milliards de $. Par comparaison, l’explosion de la dette américaine sous le choc des « subprimes » en 2008, n’avait été précédée que d’une progression des emprunts de 40% en 5 ans… 
Fitch voit aussi que ce crédit chinois croît à un rythme double du PIB, et que sa rentabilité s’effondre en terme de croissance : de 0,85 ¥ en 2009 pour 1 ¥ emprunté, à 0,15 ¥ en 2012. 

Telles que citées par Forbes, les conclusions inquiètent : toujours plus d’entités vulnérables, sans capacité d’encaisser des fortes pertes, ont accès à des prêteurs non astreints par la loi à une analyse de leurs clients. Or, les mesures d’austérité « spéciales crédit gris » atteignent la masse critique. Le désendettement commence, avec le coup d’arrêt aux dépenses de prestige et de luxe. 

Mais pour les provinces accablées de dettes, c’est le moment de tous les dangers, et il leur faut rapidement une nouvelle source de financement : les impôts par exemple, pour continuer à alimenter les services publics (éducation, santé…) et pour éviter la cessation de paiement. .
La réaction de la Banque Centrale (cf photo) est de restreindre le crédit, au risque d’augmenter les difficultés des provinces et grands groupes publics. « Le système financier, affirme le Conseil d’Etat, doit mieux soutenir la croissance et la restructuration ».

De ce fait, même les réserves interbancaires sont vides, et le taux d’emprunt interbanque est à son taux le plus élevé, à près de 8% en moins d’un mois. La conséquence se voit déjà : la croissance a chuté en mai, et devrait poursuivre sa baisse au 2ème trimestre, faisant risquer de ne pas atteindre l’objectif de PIB à +7% cette année.

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