Chaque année depuis 2265 ans, la Chine célèbre la « fête des bateaux dragons ». La légende remonte à l’an 278 avant JC : en pleine guerre des Royaumes Combattants, l’Etat de Qin prit celui de Chu. Quoique banni et en exil, Qu Yuan (屈原), poète et citoyen de Chu, fut très affecté par la disparition de sa patrie. Le 5ème jour du 5ème mois lunaire, dit duanwu (端午), il se jeta dans la rivière Miluo.
Les locaux qui lui portaient un immense respect, se jetèrent sur leurs barques pour tenter de sauver Qu. Quand ils le surent noyé, ils battirent l’eau de leurs rames, durant des jours, pour affoler les poissons et les empêcher de picorer sa chair. Puis dans le même souci, ils allèrent jusqu’à leur jeter du riz pour les détourner de la dépouille de leur héros. Dès lors, tous les éléments de la « fête des bateaux dragons » étaient réunis.
Emballé dans des feuilles de bambou et parfumé de fèves rouges, le riz devient le zongzi (粽子). Les barques aux longues nefs et aux proues de dragon, se livrent à des joutes spectaculaires, propulsées par des rameurs, au son du tambour à bord, tandis qu’en tous les temples, on honore les Dieux les plus divers, parfois de création très récente.
Depuis 2010, cette fête antique donne lieu à 4 jours fériés : trêve pré-estivale qui rend soudain aux villes, une semi-torpeur oubliée. Incidemment, le duanwu (12/06 cette année) est aussi le jour lunaire le plus long dans l’hémisphère Nord… d’où ce thème du Dragon, symbolisant le soleil au zénith, et plus généralement l’Empereur et la gente masculine.
Pas par hasard, mais pour cette configuration météo spéciale, l’agence spatiale chinoise choisissait la veille du duanwu (11/06) pour procéder à la mise à feu d’une fusée Long March 2F, en présence du Président Xi Jinping, depuis la base de Jiuquan (Gansu). En 9 minutes, sans encombre, elle plaçait sur orbite le vaisseau spatial Shenzhou X, habité de trois « taïkonautes », Nie Haisheng, Zhang Xiaoguang et Wang Yaping – cette dernière étant une femme.
Wang avait déjà été entraînée pour le dernier vol habité du Shenzhou IX, mais le sort lui avait préféré l’autre femme de l’équipe, Liu Yang.
Wang n’y perdra pas au change : elle part pour 15 jours (au lieu de 10 pour l’équipée précédente) et va participer à l’amarrage au laboratoire spatial Tiangong-1, sur orbite depuis 2011, ainsi qu’à bien d’autres expériences et missions pionnières, comme remplacer des pièces ou équipements mal dessinés dans Tiangong-1, ou pour Wang, donner un cours de physique par vidéo, à quelques millions d’élèves de primaire et de collège.
Dix semaines après le retour sur terre des taïkonautes, ce laboratoire spatial sera décommissionné et retournera dans l’atmosphère, après avoir fourni à la Chine une moisson de savoir-faire pour construire sa prochaine station orbitale prévue pour entrer en service d’ici 2020. Plus tard dans l’année, la Chine tentera son premier alunissage (inhabité).
Par son orientation, ce programme dénote d’un curieux mélange de montée en puissance, et de remake anachronique. A coup de milliards de $ par an, la Chine refait des missions vieilles de dizaines d’années, sans gain scientifique à en attendre – sauf le savoir-faire qui lui, n’a pas de prix.
De nombreuses missions lunaires habitées furent menées dès les années 1960-1980 par la NASA, et la première femme dans l’espace, il y a exactement 50 ans, fut la soviétique V. Teretchkova. Mais systématiquement, sans se laisser distraire, la Chine fait ses gammes, rattrape son retard.
La Chine est dès aujourd’hui la première nation mondiale par l’intensité de son programme de lancements. A l’avenir, ceci ne peut qu’aboutir à une suprématie dans ce domaine spatial, du fait de l’incapacité de toute autre nation à suivre sa capacité d’investissement et à se doter d’une technologie de pointe à coût incomparablement moindre que celle des pays à économie mature.
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Gilles
15 juin 2013 à 08:53comment ça le jour le plus long de l’année ne serait pas le jour de la fête de la musique (aussi appelé solstice d’été) ? On m’aurait menti ?
Jean
17 juin 2013 à 05:41Ah, la lune! P’têt qu’y veul’ installer une base ultrasecrète ousqu’y parqu’raient les opposants dans un dôme oxygéné, et, comme d’hab, vu l’matos foireux qui z’emploieraient, y aurait des fuites, c’qui arrang’rait bien l’régime… Et l’opposition l’aurait un’ fois d’plus dans la lune!
Gilles
16 juin 2013 à 10:27Ha… le jour « lunaire »… Cette notion m’échappe. Je m’en remets donc aveuglément à ton savoir, Eric.