Temps fort : Qualité du riz : la Chine dans l’oeil du typhon

À l’approche de la récolte, le marché chinois du riz offre une curieuse contradiction, avec à la fois des signes de pénurie et de surproduction. Depuis 2012, la récolte ne suffit plus : selon des données américaines, l’importation s’est élevée à 2,34 millions de tonnes et dépassera 3 millions de tonnes en 2013 (690.000 tonnes sont rentrées au 1er trimestre, + 190%). Par contre, regardant les épis qui jaunissent sur sa rizière, Fu Huoshan, paysan du Hubei s’inquiète : les ventes ne suivent pas, « la concurrence vietnamienne, pakistanaise et thaïe est trop bon marché face au riz local à 4¥ par kg ». 

Mais l’explication occulte une autre raison : avec l’ouverture au monde, la ménagère chinoise découvre le riz importé et le trouve plus à son goût. Poussée depuis 20 ans par un régime pour qui l’autosuffisance alimentaire est un dogme, la recherche céréalière chinoise a mis toute priorité sur la quantité au détriment de la qualité. Et puis l’environnement aussi se rappelle au bon souvenir du pays. 70% des terres agricoles de Chine seraient polluées et 60% des pesticides (de types souvent interdits en Europe) sont mal employés. 

Le paysan chinois déploie aussi en moyenne le quadruple d’engrais de son homologue européen. Et très souvent, l’irrigation vient de cours d’eau déjà impropres à cet usage. 

Tout ceci explique le dernier cas d’angoisse alimentaire. Dans le Hunan, premier grenier à riz assurant 30 millions de tonnes par an (15% de la récolte), des traces de cadmium à 0,4µgm par kg, le double du plafond autorisé, ont été détectées. Huit exploitations ont échoué au test sur 18 contrôlées et trois minoteries ont été fermées. 

Les experts imputent à trois sources cette présence de métal lourd dans le grain : l’irrigation à l’eau des fonderies à zinc, la proximité des usines de batteries (utilisant le cadmium), et des traces de ce métal dans les engrais phosphatés. Quoiqu’il en soit, le résultat a été catastrophique : les ventes du riz de la province ont chuté de moitié, les détaillants n’osent plus même le commander, et les experts ne savent plus quoi conseiller. Leur recommandation de varier les marques de riz pour répartir les risques, en disent long sur leur désarroi. Clairement, si la récolte imminente retrouve les mêmes concentrations, les importations vont se raffermir. 

L’Etat, en tout cas, vient de prendre de nouvelles mesures pour rétablir la confiance… dans le lait et la viande chinoise, récemment affectés par d’autres scandales. En mai, 900 trafiquants de fausse viande ont été arrêtés, et Li Keqiang émettait début juin de nouvelles mesures pour accélérer la traçabilité du lait, comme l’obligation du code-barres. 

L’OCDE pour sa part prévoit (05/06) qu’en 2022, les importations de soja et d’aliment fourrager augmenteront de 40% (ces derniers, à 13,2 millions de tonnes) tandis que celles de bœuf doubleront – son élevage en Chine s’est réduit depuis 2008, alors que la demande explose. A cette échéance, la Chine importera 2,8 millions de tonnes de blé et 1,5 millions de tonnes de riz. Mais la nouvelle est en fait moins inquiétante qu’elle n’y parait, car ces chiffres sont bien moindres qu’en 2012-2013, où un pic a été franchi. 

Discrètement, la Chine investit lourdement dans sa filière semences et dans son irrigation. En 2012, pour la 9ème année consécutive, sa récolte augmentait, à 589,6 millions de tonnes. Ce qui lui permet, conclut l’OCDE, de maintenir pour 10 ans son taux d’autonomie alimentaire à 98% : la Chine semble gagner son pari.

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