Guerre du panneau solaire contre guerre du vin : entre Europe et Chine, les gestes agressifs s’accumulent ces temps derniers. En réalité, ce qui se passe résulte de décisions vieilles de 10 ans.
Constatant son incapacité à battre les puissances de l’Ouest sur le terrain des industries matures, Pékin avait décidé d’investir dans celles de demain, à bas carbone – à très grande échelle pour le marché intérieur puis les marchés traditionnels des pays occidentaux. Avec ses bas salaires, l’absence de R&D, l’économie d’échelle et des subventions illimitées, la Chine allait conquérir tous les marchés. Rien que dans le solaire, Pékin aurait distribué 18 milliards de $ à une centaine de groupes tels Suntech ou Yingli. A 50% moins cher que toute concurrence, elle a conquis 80% du marché européen.
Réaction : dès 2012, les USA ferment leur marché solaire, par une taxe de 250%.
De son côté, Bruxelles (04/06) frappe la Chine de 11,8%.
Un appel de Li Keqiang à JM. Barroso, Président de la Commission, a permis in extremis de réduire la taxe des trois-quart, sous réserve d’accord d’ici août 2013. Bruxelles veut obtenir une autodiscipline, prix minima et contingents permettant coopération industrielle et partage du marché. Mais sa contre-attaque ne fait pas l’unanimité, tant en Union Européenne qu’aux USA – l’Allemagne y voit une « lourde erreur », choquant sa philosophie libérale.
La Chine, qui crie au protectionnisme, était prête : sous 24h, elle ouvre sa propre enquête anti-dumping… contre le vin européen, menaçant surtout les producteurs français (71%, 140 millions litres, 788 millions de $ en 2012).
C’est un message : Pékin veut forcer l’Europe à garder ses portes ouvertes, pour sauver son secteur solaire aux millions d’emplois et dizaines de milliards de $ d’investissements non amortis. Car derrière le solaire tremblent d’autres colosses aux pieds d’argile : les éoliennes, les télécom…
Aussi, les deux bords le savent, dans la défense de l’Ouest contre l’entrée en force chinoise, le solaire n’est qu’une étape, un moment-clé des échanges entre Chine et Occident. Jusqu’à présent, on a échangé suivant le jeu de l’offre et de la demande. Mais quand le sort industriel des nations est en jeu, il faut passer à autre chose, et oublier la logique prédatrice.
Tel est le véritable enjeu du bras de fer qui débute, suivi de près par Obama (sujet central dans sa rencontre avec Xi Jinping à l’Annenberg Estate, 08/06).
Côté chinois aussi, bon nombre souhaitent un nouveau code de tous les échanges.
Mais ces libéraux ne sont pas majoritaires. Face aux rétorsions américaines, Pékin n’a rien fait, mais face à l’Union Européenne, elle frappe – sachant que l’Europe peut moins se défendre.
Elle concentre d’abord sa frappe sur la France, peu impliquée sur ce marché (donc, pas responsable) mais qui peut apparaître aujourd’hui plus vulnérable. Avant de menacer à son tour l’Allemagne sur ses exportations vers la Chine de voitures de luxe : aucun doute, l’aile dure du socialisme chinois voit en Europe le maillon faible, et espère briser en divisant : aux Européens à présent, s’ils veulent se défendre, de faire front uni pour éviter le piège.
Sommaire N° 20