Mardi 4 juin 2013, 24ème anniversaire du printemps de Pékin, la Chine était sous censure, le régime s’efforçant d’effacer tout indice de la répression de ce qu’il nomme un soulèvement contre-révolutionnaire. Xi Jinping, le nouveau n°1 ne donne nul signe de vouloir revenir sur ce verdict. Mais le régime y pense : parmi les 25 membres du Politburo, six participaient à l’époque aux débats idéalistes de l’hôtel Pékin (avril 1989), dont trois membres de l’organe suprême du Comité permanent (Li Keqiang, Yu Zhengsheng et Wang Qishan) ainsi que Li Yuanchao, le vice-Président. Discipline de Parti oblige, ils pensent à la révision de Tiananmen, mais n’en parlent pas. Il faudra attendre le décès des acteurs conservateurs de l’époque comme Li Peng. Mais celui de Chen Xitong, l’ex-maire de Pékin, impliqué dans la reprise en main, décédé à 84 ans (des suites d’un cancer), intervenait fort symboliquement ce jour anniversaire.
Un seul lieu de Chine échappe à cette fausse amnésie : Hong Kong, protégé pour encore 33 ans par le Traité de rétrocession, sous le slogan « un pays, deux systèmes ». La nuit du 04/06, 150.000 personnes veillaient au Parc Victoria, munis de chandelles, non découragés par une averse drue.
Cette année, un curieux incident vint émailler la tradition. Les organisateurs de l’événement, plateforme de divers groupuscules, avaient placé la veillée sous le mot d’ordre de « aimer le pays, aimer le peuple ». Ce choix fut fustigé par Ding Zilin (une des dissidentes pékinoises historiques) comme « stupide et à contre-sens de l’opinion ». De fait, selon un sondage de la HK University (04/06), 62,8% des insulaires souhaitent une révision du verdict de Tiananmen. C’est le taux le plus élevé depuis 1997, année du retour de HK à la Chine.
Les organisateurs semblent donc avoir été manipulés, tandis qu’au même instant, la rue hongkongaise se radicalise. Pas une semaine ne se passe sans une manifestation, qui, ignorant le siège du pouvoir local, se rend directement à celui du représentant de la RPC, ressenti comme le maître.
Sans gratitude envers les 27 millions de touristes chinois pour leurs dépenses, les Hongkongais vivent mal leur manque de discrétion, leurs razzia dans leurs supermarchés et sur leurs logements (30% des ventes en neuf).
Le contentieux n°1 tient au non-respect de la promesse de suffrage universel : au plus tard pour 2017 selon les accords, mais désormais reportée à 2022, « sous réserve du patriotisme » des candidats, dont le brevet serait décerné par Pékin. « Dès lors, dit cet observateur local, aucun des deux bords ne peut transiger : on va droit au mur ».
NB : La Chine fait un lourd effort pour assurer la prospérité des Hongkongais, malgré la récession. Mais il y a malentendu : Hong Kong ne réclame pas tant des chèques mais l’autodétermination. En 1984, avec M. Thatcher, Deng Xiaoping avait opté pour laisser la solution définitive de Hong Kong « aux générations futures ». Mais le « Chief Executive », sans pouvoirs et déconsidéré, n’arrive plus à se faire entendre.
Pour assurer son avenir, cette société éduquée et sophistiquée, a besoin de tenir ses leviers en main. C’est ce que Pékin a ignoré, dans la sauvegarde inquiète de son monopole du pouvoir…Et c’est à présent ce qu’elle va falloir gérer.
Sommaire N° 20