L’affaire de la chute de
Liu Tienan, ce n°2 de la Commission Nationale pour la Réforme et le Développement ( NDRC) prend des dimensions nouvelles et plus complexes.La version officielle de la semaine passée vieillit mal, selon laquelle Liu aurait été dénoncé par son amante, et que l’histoire aurait été diffusée à l’initiative privée de Luo Changping, le courageux journaliste, sur son compte weibo.
Plusieurs objections ont été relevées par des connaisseurs. Le fait, par exemple, que la NDRC ait immédiatement rejeté les allégations, ce qui en terme réglementaire, n’est pas une procédure standard. D’autre part, que ce cadre supérieur à la revue Caijing ait pu s’attaquer à un ministre, sans ordre ni devoir en référer à quiconque, ne ressemble pas à la discipline de la grande maison. 3ème indice : entre sa dénonciation en décembre par Luo Changping et la chute de Liu Tienan en mars (alors patron de l’Agence Nationale de l’Energie), le long silence de l’Etat fait penser qu’un furieux débat eut lieu à son sujet au sommet – une négociation, un vote.
G. Raby, ex-ambassadeur d’Australie aujourd’hui consultant, très bien introduit en ce pays, estime que Caijing, publication privée, est très respectée et soutenue par Wang Qi-shan, le membre du Comité Permanent et patron de la CCID (police du Parti), nommé par Xi Jinping pour relancer la campagne anti-corruption. Xi, alors, promettait de faire tomber « les mouches (les petits) et les tigres (les grands) ». Liu Tienan est le premier « tigre » à tomber. Cependant pour obtenir sa chute, il fallait contourner son protecteur, qui n’était autre que Li Peng, l’ex 1er ministre, un personnage clé du secteur de l’énergie. Pour Raby, Wang aurait informé le journaliste, puis protégé des retours de flamme durant sa divulgation. Cette chute sert la cause de la réforme, car il s’agit de modifier, voire abolir le protocole de gouvernance des projets énergétiques, source de corruption énorme—et ensuite d’endettement des provinces sur des projets hasardeux.
Vu sous cet angle, la chute de Liu a deux utilités :
– Sous prétexte de lutte anti-corruption, elle renforce le nouveau pouvoir, en écartant un homme de l’ancien. Vieille méthode : en 1998, pour corruption, Jiang faisait chuter Chen Xitong, compagnon de Deng ; en 2006, Hu écartait Chen Liangyu, vassal de Jiang. Et aujourd’hui, Xi écarte Liu, homme de Li Peng, obstacle à sa politique de réforme…
– Elle prépare la réforme de l’énergie. Liu Tienan, patron de l’ANE, était au bon endroit pour influencer les projets d’équipement et bloquer toute décision contraire aux intérêts de ses mandants. On pense alors à la dérégulation des prix de l’énergie et de la création d’un super ministère de l’énergie.
Au demeurant, la campagne se poursuit. Vient de chuter aussi Yang Kun, ex-directeur exécutif de la Banque de l’Agriculture, une des 4 grandes banques. On lui reproche un prêt de complaisance de 3 milliards de ¥ à un promoteur immobilier pour couvrir ses dettes de jeu à Macao. Une autre action qui démarre, est l’examen de tous les projets fonciers publics (20/05), pour vérifier leur respect de la nouvelle règle de frugalité. Cette procédure est sans précédent.
Une des raisons de ce grand nettoyage, est plus pragmatique : pour financer le nouveau programme d’urbanisation, d’ici 2020, il faudra au bas mot 8000 milliards de $ de fonds nouveaux qu’il faut aller chercher là où ils sont !
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Jean
26 mai 2013 à 07:30C’est du Dumas, tout ça. Vivement le feuilleton suivant.
En tout cas, c’est une belle démonstration de la justesse du vieux dicton: « Si chacun nettoyait devant sa porte, l’empire serait propre ».