Quand
Pékin et Tokyo se cherchent des noises, rien ne les retient : leurs mauvaises fées semblent prendre un malin plaisir à les provoquer et une giboulée d’actes insensés, retenus peut-être depuis des mois, tombe soudain : T. Hachimoto, maire d’Osaka, justifia (13/05), comme « nécessaire pour l’époque » que le Mikado ait forcé durant la guerre 200.000 Chinoises, Coréennes et Philippines à avoir des relations sexuelles avec ses soldats pour leur « réconfort et la discipline ». Puis Sh. Abe, le nationaliste 1er ministre, se fit photographier pouce en l’air à bord d’un jet d’entraînement immatriculé « n°731 ». C’est peut-être un hasard malheureux mais en Chine, cela fut pris pour une insulte sans tarder : « unité 731 », à Harbin durant la guerre, était le nom du laboratoire fasciste d’expérimentation humaine qui inoculait des germes aux prisonniers et les disséquait vivants.
Ces gestes petits (à tous les sens du terme) provoquent à Pékin ce commentaire : « nous espérons que le Japon saura faire face à son histoire d’agression avec la bonne attitude ». Pour beaucoup en Chine, Abe est déjà classé comme « négationniste », en refusant de qualifier d’« invasion » la guer-re de Chine (1937-45) et en autorisant en avril ses ministres à aller se recueillir au sanctuaire réactionnaire de Yasukuni.
Côté chinois il faut dire, on n’a pas fait bien mieux. Un journal pékinois conteste d’abord qu’Okinawa peuplé d’1,3 million de Japonais, soit japonais. Puis le Général Luo Yuan enfonce le clou, disant qu’en 1372, l’archipel payait tribut à l’Empereur de Chine. Ce n’est qu’en 1872 que Tokyo, profitant de la faiblesse chinoise, avait empoché la région. Donc pas de doute, Okinawa est chinoise – et le Japon hors de lui !
Il n’en faut pas plus pour déclencher les provocations nippones citées plus haut. Et quand le 12/05, un sous-marin anonyme est détecté en bordure des eaux d’Okinawa, Tokyo avertit (par voie de presse et non d’ambassade) qu’une « réplique militaire » est à risque, l’incident dût-il se reproduire. Ainsi, ces pays se retrouvent soudain en ébullition délétère, qui rappelle celle des temps de J. Koizumi, ce 1er ministre (2001 – 2006) qui irritait la Chine par ses visites à Yasukuni…
L’on s’étonne de voir ces voisins de toujours préférer aujourd’hui encore la spirale de la haine et du passé, à celle des profits de leur coopération complémentaire. En 2013, en dépit d’années de dialogue de sourds, la Chine reste pour le Japon un de ses principaux marchés. Evidemment, il suffirait pour Tokyo de céder à Pékin sa couronne de 1ère puissance d’Asie et d’accepter de regarder son passé en face, pour s’enrichir immensément par une intégration commerciale avec la Chine. Mais cela signifierait aussi le retrait de l’influence américaine : on en est loin !
La Corée du Sud aussi est fâchée avec Tokyo,pour les mêmes raisons. Sa Présidente fraîchement élue, Park Geun-hye, s’apprête à se rendre à Pékin avant Tokyo : du jamais vu, un désaveu tacite, et la reconnaissance symbolique que le n°1 d’Asie est –déjà– Pékin et non Tokyo !
Et puis il y a encore le clash entre Philippines et Taïwan : un garde-côte philippin ayant tiré sur un chalutier taïwanais, et causé la mort d’un pêcheur. Manille avait d’abord nié, puis refusé de s’excuser – l’incident ayant eu lieu dans la limite des eaux revendiquées. Alors, prompte à saisir l’aubaine, Pékin s’en est mêlée, prétendant être celle qui recueille les excuses, comme puissance tutélaire de l’île nationaliste – faisant alors rager Taipei ! Quand enfin le Président Aquino fait marche arrière, envoyant excuses et un « don » à la famille du défunt, c’est trop tard. Taipei rappelle son représentant à Manille et impose des sanctions. Pékin ne peut que se rassurer de cette bisbille qui conforte son pouvoir sur cette mer.
Dernière question : y a-t-il un lien entre toutes ces sautes d’humeur, d’un pays à l’autre de la zone ? La crise mondiale, peut-être, à laquelle s’ajoute les effets des premières chaleurs…
Sommaire N° 18