Environnement : Kunming, Chengdu – la guerre du paraxylène

Kunming ParayleneLongtemps épargné par le développement sauvage de la côte, l’intérieur chinois est rattrapé : avides de salaires moins chers, les industries lourdes y délocalisent. La CNPC (le géant du pétrole) a lancé deux projets de raffineries à plus de 10 milliards de $ pièce, à Pengzhou (Chengdu, Sichuan) et Anning (Kunming, Yunnan). 

Or comme à Xiamen et à Ningbo depuis 2010, la population se mobilise, redoutant les 500.000 tonnes par an de paraxylène (PX) qu’elles produiront – substance qui, inhalée, provoque maux de tête et troubles respiratoires. A Chengdu, dès 2008, une série de marches avait réussi à retarder le projet. Les 4 et 5 mai, les riverains voulaient réitérer. 

A Kunming, 1000 personnes se rassemblèrent au centre-ville. Il y eut concertation : suite à des négociations « bon enfant » sur le contenu des banderoles, les manifestants purent faire leur parcours sans encombre. La mairie assure que le projet n’est pas adopté. Méfiants, les citadins veulent maintenir la pression et re-défiler le 16/05.

A Chengdu, par contre, les autorités optèrent pour l’épreuve de force – car là, le chantier est en phase finale, et la CNPC comme les pouvoirs publics ont tout à perdre à laisser les manifestants « bride au cou ». Aussi les fonctionnaires furent avertis qu’ils seraient licenciés s’ils défilaient. Une zone fut déclarée interdite, sous prétexte (fallacieux) d’« assister les secours au séisme » d’avril, des centaines de km plus loin. Des dissidents furent éloignés manu militari, « envoyés en vacances » . Les imprimeurs reçurent une prime pour rapporter quiconque déposerait un pamphlet à imprimer. Sur le parcours, à l’heure dite, se trouvaient des milliers de policiers et d’espions en civil, pour faire peur : les opposants en furent réduits à exprimer leur refus sur Weibo.

On entrevoit la faiblesse de la gestion de pouvoirs publics qui ne veulent rien discuter, pas même l’argument raisonnable, selon lequel une usine dangereuse n’a nulle vocation d’être construite en bordure de métropole. De même, en traitant a priori toute critique à la raffinerie comme « sédition », les apparatchiks de Chengdu ne peuvent que valider les critiques sur l’absence de transparence, la faiblesse des institutions et les coudées franches laissées aux consortia pour polluer. Sur le projet, la mairie n’a communiqué que tard, en avril, nourrissant ainsi les rumeurs et rancœurs. 

Bilan : le pouvoir local perd une bataille morale. Son action est l’inverse de ce que tente de faire la nouvelle équipe au pouvoir, avec ses slogans de « rêve de Chine » et d’« Etat de droit ». La CNPC se défend, promettant de n’utiliser que les meilleures technologies et de recycler « 70% » de l’eau utilisée. Mais avec les accidents écologiques graves à son actif ces dernières années, elle manque de crédibilité. 
Tout ceci mène à l’impression que les gens de ces deux villes, et en fait de Chine toute entière, s’en prennent au moins aux risques pris sur leur santé par une industrie d’Etat au-dessus des lois, qu’au modèle de développement de « la croissance à tout prix » imposé sans concertation. Aujourd’hui, auprès d’une société de plus en plus éduquée, une telle attitude passe de moins en moins.

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
9 de Votes
Publier un commentaire
  1. Jean

    Avec ce qui va leur tomber sur le râble, les habitants de Chengdu vont bientôt abandonner l’Orient est Rouge pour A la Bastille on aime bien Nini peau d’chien… en tout cas ceux qui confondent paraxylène et Praxitèle, l’Hercule de Pétrôle Hahn. « Elle s’appelait Paraxylène, c’était l’hirondelle du faubourg, elle barbotait dans le proxylène, ce qui mit le feu à son amour… (allez, tous en choeur!)

Ecrire un commentaire