Editorial : Forum de Boao – tapis vert à la plage

« Nul pays ne devrait pouvoir jeter une région dans le chaos pour son gain égoïste », s’écria Xi Jinping le 07/04 au Forum de Boao (Conférence économique internationale à Hainan, émule du sommet de Davos) – formule-choc attendue, annoncée depuis des heures. Xi prenait ses distances vis-à-vis de l’allié idéologique Nord-Coréen : un tournant historique ! 

La position avait été abordée dès le 05/04 par Wang Yi, le nouveau MAE, qui prétendait stopper les troubles fomentés « aux portes de la Chine ». Curieusement le 09/04, l’attaque de Xi était affaiblie par le Quotidien du Peuple dans un de ses petits éditoriaux en langue cryptée dont il a le secret : ce que Xi aurait voulu alors fustiger, c’était les USA, leur ingérence en différentes régions « asiatiques » au sens large. 

Ce démenti était bien sûr publié à seule fin de déminer une grosse colère, toujours à craindre de Pyongyang. En cette suite de propos frisant l’incohérence, on sentait les contradictions d’une direction collective, sa prudence atavique, son incapacité à briser net une alliance « révolutionnaire » de 62 ans, qui reste intouchable chez les nostalgiques. 

Boao servit aussi à Xi, à renforcer les liens avec ses voisins :
– Amitié brûlante avec le Cambodge, un vassal favorisé pour bloquer toute velléité d’alliance anti-chinoise dans l’ASEAN. 

– Amitiés à réchauffer avec la Mongolie, surtout la Birmanie. Avec cette dernière, les rapports ont connu des jours meilleurs, mais Pékin sait que ce voisin lui reviendra un jour, une fois épuisé le dividende de l’amitié avec les USA, de l’ouverture démocratique avec Aung San Suu Kyi.

– Main tendue à Taiwan, dont Xi rencontra le vice-Président V. Siu, 50 minutes. Il lui offrit de nouveaux privilèges commerciaux en continuité avec l’accord économique préférentiel de 2010, un dialogue sur « l’intégration économique régionale », l’égalité de traitement entre firmes des deux rivages.

– Xi eut même un échange bref, à valeur symbolique avec Y. Fukuda, ex-MAE nippon. On évita de parler de l’actuelle phase de mésentente – Fukuda n’étant pas mandaté pour négocier.

On note à cette conférence, l’absence de voisins tels le Vietnam ou les Philippines, refroidis par l’expansion chinoise en mer de Chine. Comme en guise de message in absentia à ces pays, Xi félicita les pêcheurs du port de Tanmen pour leur courage face aux garde-côtes de Palau (Pacifique-Ouest) suite à une bataille en 2012, qui leur avait coûté une vie.

Par ailleurs, trois pays de l’Ouest étaient présents : 
– Avec la 1ère ministre australienne Julia Gillard (cf photo), Xi promut la relation au rang de « dialogue stratégique », honneur que Pékin n’a offert jusqu’ici qu’à Berlin, Londres et Moscou. Canberra reçut la licence de commerce direct en yuan, ce qui ne devrait concerner d’abord, que 15% de leurs 133 milliards $ d’échanges, soit 20% du commerce extérieur australien. 

Gillard signa deux contrats à 3,1 milliards $ pour le développement d’une mine de métaux non ferreux à Cloncurry (Queensland) et d’une série de fermes éoliennes transaustraliennes. Les pays convinrent aussi d’un dialogue sur la bourse d’échanges des crédits carbone (droits d’émissions de CO2) qui se prépare entre sept villes de Pékin à Shanghai, système pour museler par un mécanisme de « taxes et primes », la pollution de 255 millions d’habitants. Un rendez-vous annuel fut fixé. Gillard exprima l’espoir d’associer à des manœuvres communes les marines australienne, chinoise et américaine, poursuivant ainsi le vieux rêve austral de désamorcer la rivalité de ces puissances planétaires.

– Enfin, avec Finlande et Islande, furent échangées diverses promesses de coopérations originales avec ces démocraties scandinaves avancées – laboratoires sociaux intéressant la Chine. Accord de libre échange « dans l’année » avec Reykjavik (le premier avec un pays européen) et un futur « partenariat coopératif » avec Helsinki. Pékin, de son côté, attend un soutien pour entrer au Conseil Arctique, moyen de faire valoir des droits futurs sur le cercle arctique et ses richesses… Elle est en bon chemin pour y parvenir !

En photo, Julia Gillard porte un toast avec Li Keqiang / Crédits photo (Reuters)

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