Interview de Karen Serfaty, vice-Présidente de Tianji (天际), filiale Viadeo. Avec sa filiale Tianji, Viadeo, groupe français de l’internet réalise l’exploit de contrôler en Chine le 1er réseau social professionnel (PSN) par la taille, alignant 14 millions de membres (et 500.000 de plus par mois). Avec 180 actifs presque tous chinois, Tianji fonctionne à Pékin dans des locaux n’ayant rien à envier à ceux de Google à Paris.
Pourquoi avez-vous choisi de vous implanter à Pékin ? À de rares exceptions près, l’internet chinois est ici, Sina, Taobao, Baidu ! Seuls échappent des gens comme Alibaba- à Hangzhou, ou Tencent – à Shenzhen. Il ne vous aura sans doute pas échappé, l’internet en ce pays est très lié au pouvoir : autre raison pour que Pékin soit incontournable. Enfin vous avez ici de grandes universités telles Tsinghua ou Beida, pépinières de Zhongguancun, la Silicon Valley de la capitale.
Linkedin votre rival reste hors de Chine: mais vous, vous avez choisi d’y entrer en 2006, puis de vous étendre en 2007 en rachetant Tianji, une plateforme préexistante. Or, ce n’est pas le modèle que vous avez suivi en France, où vous avez bâti le réseau : pourquoi cette stratégie différente ? Cette stratégie d’acquisition est celle que nous appliquons à l’international (Russie, Amérique Latine, Inde). Elle permet d’ad-hérer plus vite et plus fort aux spécificités locales. Une simple traduction de notre plateforme Viadeo n’était pas suffisante : notre objectif a été de proposer une offre sur mesure, permettant à chacun de poster en ligne sa base initiale de contacts (关系, guanxi), puis de lui permettre de l’alimenter.
Entre Tianji et Viadeo, quelles différences ? Répondant à une certaine passion des jeunes Chinois, nous proposons des jeux, dont le but réel sans en avoir l’air, est de les mettre en contact. Par contre, nous n’avons pas souhaité inclure une option tchat entre ces membres : d’autres, tels QQ, le font déjà très bien. D’autre part, pour commencer, nous avons renoncé aux comptes payants (« premiums »)– la Chine n’est pas mûre.
Pour les firmes, quel est votre « plus » à poster leurs offres sur Tianji plutôt qu’ailleurs, sur Zhaopin.com ou 58job.com ?
Le ou la client(e) – type de Tianji, provient de la grande ville (Pékin, Shanghai, ou Canton), il (ou elle) est diplômé(e), avec 3 ans d’expérience professionnelle ou plus, parfois en expatriation – donc le cadre haut de gamme, ce qu’on ne retrouvera pas forcément ailleurs. D’autre part, nous amenons les membres à valoriser leur image sur le net. Tianji est donc la plateforme idéale pour les services RH et chasseurs de têtes.
Que faites-vous pour séparer les affabulateurs des diplômés authentiques ? Vu les sérieux scandales de faux diplômes qui émaillent régulièrement l’actualité du pays, chez Tianji, nous avons dû réfléchir au problème. Nous mettons sur pied un système de validation : si 5 membres confirment telle expérience ou diplôme que vous prétendez avoir, il (elle) sera validé(e).
Tianji vient de racheter Zaizher (再这儿), expert en géolocalisation sur téléphonie mobile : que visez-vous ? L’avenir est dans ce type d’applications, comme le confirme la célèbre WeChat, de Tencent – 300 millions d’utilisateurs en deux ans à peine, qui s’échangent sans frais, textes, photos, sons… Nous préparons une applet qui vous mettra en contact avec les gens de vos alentours, connectés à Tianji ou d’autres réseaux sociaux : en les détectant d’abord, puis en leur proposant l’échange des cartes de visite virtuelles Tianji—ou bien par un petit message vocal.
Enfin, quel futur prédisez-vous à Tianji en Chine ? Pour l’instant, nous sommes n°1, et notre principal concurrent potentiel Linkedin ne semble pas pressé de rejoindre la course. Mais ce n’est pas une raison pour baisser la garde. Tout bouge si vite ! En tout cas, nous n’avons nul doute sur notre potentiel de progression.
Sommaire N° 13