Pour Xi Jinping, la Tanzanie, première étape africaine de ses huit jours de périple, est un choix soigneusement opéré, dans l’objectif de raffermir l’image de la Chine. Car en Afrique-même, à Lagos comme à Pretoria, des voix s’élèvent pour dénoncer un risque de néocolonialisme, d’entreprises chinoises tournant en circuit fermé et s’enrichissant sans profit pour la population.
Secondé par son élégante épouse Peng Liyuan, Xi veut faire jouer le soft power, évoquant des relations « d’égal à égal » et de « fraternité ». En Tanzanie, pays austral de 48 millions d’habitants, il est sur une terre où l’amitié est acquise de lon-gue date. Dans les années ‘70, Mao avait fait envoyer 15.000 cheminots tracer la ligne Tanzam Railways de 1800 km entre Zambie et Océan indien, pour 500 millions $. Aujourd’hui dé-gradé, ce projet qui marqua les esprits de toute l’Afrique, a reçu quelques restaurations en 2010, payées par Pékin.
Le 25/03, Xi renouvelle le lien en inaugurant, avec son homologue M. Kikwete, le Centre de conférences Mwalimu Nyerere à Dar es Salaam – projet chinois (tout comme le stade de 60.000 places), bâti sur prêts concessionnaires. Le volume des échanges reste modeste, mais non nul, à 2,15 milliards de $ en 2011 (+15%), la Chine livrant textiles et gadgets, et la Tanzanie, sisal (fibre textile), sésame et noix de cajou.
Ces liens étroits sont stratégiques : la Tanzanie jouit d’une façade maritime offrant d’alléchants droits de pêche et l’accès facilité à la moitié des pays du continent. Enfin, c’est un pays d’une relative stabilité – ni un Mali, ni une RCA – où l’on peut investir sans trop de risques. Ce qui explique ce chantier portuaire juste annoncé : 10 milliards de $ par China Merchants à Mbegani, face à Zanzibar (un port en eau profonde pour la desserte de fournitures chinoises à toute l’Afrique de l’Est).
Car le risque politique en Afrique, la Chine est en train de l’apprendre dans la douleur, ayant perdu en 2011 pour 20 milliards de $ en Libye. Aussi, en janvier, CNGC, le consortium aurifère public, finit par renoncer à racheter 3,9 milliards de $ au Canadien Barrick Gold, ses mines d’or tanzaniennes (n°1 mondial, 7,7 millions d’onces en 2011), faute de certitude d’être capable de faire renouer le groupe avec la rentabilité.
Durant sa mission, Xi Jinping signa 16 traités commerciaux, essentiellement sur des infrastructures, hôpitaux et ports.
Déjà, la Chine construit en Tanzanie un gazoduc de 532 km, pour 1,2 milliard de $, prêtés à d’excellentes conditions par son Eximbank. D’autres invests vont à l’agriculture. Ainsi la ferme de Dakawa, dotée de 11 agronomes chinois sur 62 ha, forme 300 paysans par an à différentes cultures (riz, légumes, volaille) et avec le riz hybride chinois, a quadruplé les rendements locaux à 9 voire 12 tonnes/ha, permettant d’envisager à terme l’autosuffisance nationale et même l’export. Ailleurs à Morogoro, autre ferme chinoise avec 9 agronomes chinois et 700 fermiers locaux, est en train de doubler le rendement de sisal, grâce aux techniques importées du Guangdong.
Le fruit de tous ces efforts est une coopération vibrante et à facettes multiples, garantissant une présence chinoise forte en Tanzanie pour des décennies à venir !
Sommaire N° 12