Santé : Zhuangzi, Santé : deux livres pour la route

À l’époque des Royaumes Combattants (-403/-221), une pléiade de penseurs tel Laozi compta en son sein Zhuangzi. Très controversé, ce dernier a toujours eu en Chine ses adeptes et ses adversaires irréductibles, et restait sous silence depuis près d’un siècle. 

Aussi est-ce un signe formidable, qu’un livre sorte ces jours derniers pour le réhabiliter, « le sort de Zhuangzi en Chine moderne » (莊子的現代命運, Editions du commerce, Shanghai), sous la plume de Liu Jianmei, jeune professeure de littérature à la HKUST. 

Si Zhuangzi dérange tant, c’est qu’il est, avant la lettre et 2400 ans en arrière, l’idéologue de l’individuel et le fier précurseur de l’anarchisme. Adepte d’un doute philosophique sur les perceptions et sur la légitimité de toute analyse, le maître du Henan a aussi forgé le concept de wuwei (無為), « non-agir » qui prône la mise à l’écart de l’égocentrisme et du fantasme, pour laisser son action suivre les lois de la nature. 

Zhuangzi s’oppose à Confucius. Là où le maître de Qufu (Shandong) appelle une hiérarchie harmonieuse et un rôle pour chaque classe, Zhuangzi milite pour l’expression du soi et l’absence de maître. C’est ce qui explique que les intellectuels des années ‘30, les théoriciens du socialisme notamment des écrivains tels Lu Xun ou Guo Moro l’aient banni. 
Aujourd’hui le temps est mûr en Chine pour redécouvrir des valeurs tel l’individualisme, le scepticisme, la transcendance. Le régime n’a plus la force, ni la foi pour s’y opposer. Et Liu, l’auteur promet pour « bientôt une version anglaise!

Autre ouvrage qui vient de sortir, autre clé du monde chinois: « Governing health in contemporary China » par Huang Yanzhong (Barn &Noble, USA, 155$). L’auteur, expert mondial en politique de santé, explique comment les soins médicaux sont devenus l’un des trois « nouveaux monts infranchissables » du pays (avec l’éducation et la Sécurité sociale), de ces services indispensables que la Chine ne dispense encore qu’au compte-gouttes et en qualité aléatoire. 

À travers trois dossiers (les hôpitaux, le Sida, les épidémies du SRAS et du H5N1), Huang montre que le pouvoir a bien su apprendre de ses expériences et du monde extérieur, mais sans pouvoir résoudre, même dans ses réformes de 2009, «ses problèmes fondamentaux, systémiques et structurels». 
La Chine a toujours un million de décès du tabac par an, près de 100 millions de diabétiques. Quant à ses services, ils laissent tant à désirer qu’en 2010, les hôpitaux ont subi 17.000 agressions. Xi Jinping s’apprête à tripler l’investissement à 1000 milliards$ d’ici 2020, mais on le sait déjà, l’effort ne parviendra pas à combler les besoins. 

Le problème de fond : cette santé fut bâtie selon les canons du régime, sur base technocratique, de façon à ne jamais empiéter sur les privilèges et le contrôle du Parti. Et Huang de conclure : sans réformes institutionnelles intégrant participation de la base (des ONG), Etat de droit et une vraie économie de marché, la Chine n’ira pas plus loin. Pas de percée sur la santé chinoise, sans réforme politique – tout est lié. 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
9 de Votes
Ecrire un commentaire