Editorial : Le temps du gel, providence du pouvoir

C’est la rentrée : avant toute chose, cher lecteur, permettez-nous de vous souhaiter une année prospère, pleine de chance et de clairvoyance – avec Le Vent de la Chine, qui entre dans sa 18ème année !

Editorial spécial que celui-ci, sous un gel plus vu depuis 30 ans, par –20°C à Pékin : empêtrée de froid, la Chine médite. Pour le nouveau pouvoir, qui fait ses 1ers pas, c’est plutôt une chance : celle d’un délai, temps de faire ses choix, lourds de conséquences pour l’avenir. 
Ce temps de « wuwei » (cf p.3 article « Zhuangzi ») était aussi inévitable, du fait des règles du Parti : Xi Jinping n’accède qu’en mars à ses postes de Président de la RP Chine et de 1er Secrétaire du Parti communiste chinois et d’ici là, Hu Jintao reste techniquement l’homme à la barre. Xi Jinping se retrouve de plus face au contrepouvoir des 5 membres sur 7, au Comité permanent, implantés par Jiang Zemin : il va devoir composer avec eux, comme Hu avant lui
Heureusement, l’urgence favorise le consensus. 

En mer de Chine, la CASS (Académie chinoise des Sciences Sociales) croit «inévitable» le clash avec le Japon (cf p2). 

L’ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est) – et en soutien, les USA – révise ses options, face à une Chine tentée d’imposer sa loi sur ces eaux qu’elle affirme lui revenir. Non géré durant 10 ans de règne de Hu Jintao, ce contentieux est un lourd héritage, mais non une fatalité : Xi Jinping et l’armée (APL) peuvent souhaiter s’épargner un conflit sans nulle garantie. 

Et ici, la récente élévation au Bureau politique de Wang Huning, pressenti ministre des Affaires étrangères, laisse un peu d’espoir : celui que les diplomates puissent commencer à se faire entendre dans l’enceinte suprême, et compenser le discours va-t-en-guerre des militaires. 
Idem, quelle stratégie face à la crise, alors que ce régime, a dû renoncer en 2012 à émettre un plan de stimulus, devant affecter ses ressources au sauvetage discret de certains de ses consortia. 

Dès qu’il le pourra, Xi pourrait taxer ces mêmes groupes d’Etat, et renforcer le pouvoir d’achat. 

C’est urgent: seuls 35% du PIB parviennent aux travailleurs via leurs salaires, contre 70% aux USA, et pour pallier la minceur de sa retraite, le citoyen doit épargner jusqu’à 30% de ses revenus. Ce serait créer ce marché intérieur sur lequel l’Etat a toujours fait l’impasse, préférant miser sur l’export. Mais les 1ères années, le Chinois continuera à épargner: tout transfert de ressources, initialement, fera baisser la croissance… 

Une autre question brûlante, sera celle du procès de Bo Xilai, accusé de corruption et d’abus de pouvoir. Ce procès sera aussi, en filigrane, celui de la pratique universelle des hauts cadres, de s’enrichir dans l’exercice de leurs fonctions. Comment endiguer cela, et amener une classe à renoncer à ses privilèges ? 

Du nouveau leader, le parti et le pays attendent une réponse, et ses 1ers pas révèlent à la fois ses désirs, et de ses peurs :
– Par –10°C, Xi Jinping visite Fuping (31/12, campagne du Hebei), promet d’y éradiquer la pauvreté.
– Au 01/01, 74 villes doivent publier l’indice de pollution en microparticules (2,5µ): elles se retrouvent en ratage des objectifs nationaux d’environnement : Nankin voit ses prévisions de « jours bleus » chuter de 314 à 220.
– Le gel de la rue, de l’opinion permet au pouvoir d’étrangler l’internet : un vote au Parlement (28/12) impose aux 538 millions d’internautes, au milliard d’usagers du téléphone portable (28/12) de s’enregistrer sous leur nom réel. En même temps, l’Etat se met à étouffer les VPN, qui permettaient aux surfeurs du web de s’affranchir de la censure. Enfin, le réseau voit sa puissance baisser à des niveaux inquiétants.
Parfois justifiées par une protection du citoyen contre les escrocs, ces mesures s’attaquent en fait à plage nouvelle de liberté d’expression, via l’internet, surtout via Weibo (le Twitter chinois). Au risque d’écourter l’état de grâce du nouvel homme fort, sa marge de confiance dans l’opinion. 

Mais peut-être l’Etat ne peut vivre autrement – surtout s’il veut imposer des changements, malgré les très vives objections conservatrices. C’est ce que veut dire Xi Jinping dans ses vœux à la nation, en annonçant son souhait de « démarrer sur des bases solides », tout en explorant les « nouvelles voies d’approfondissement » de la réforme… 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
9 de Votes
Ecrire un commentaire