À
Chongqing éclatent une série de faits inouïs, traces d’un scenario digne du plus haletant des « thrillers » : à 8 mois du changement d’équipe politique ( Hu Jintao devant être relayé par Xi Jinping ), ces courants violents de rivalités internes, altèrent la sérénité régnant à la surface du Parti communiste.Le 02/02 à Chongqing, Wang Lijun bras droit de Bo Xilai, (auteur de la campagne anti mafia de 2010) perd sa charge de chef de la sécurité municipale—mais garde celle de vice-maire. Le 08/02 au matin, il se rend au consulat américain à Chengdu (à 350km), et en sort le soir « de son plein gré » -sans doute pas (encore) poursuivi. Mais juste après, des dizaines de voitures de police de Chongqing encerclent l’édifice, quoique Chengdu, au Sichuan, soit hors de sa juridiction. Après ce meeting, la presse de Chongqing annonce la mise de Wang « en thérapie de style vacances (sic), pour cause d’épuisement nerveux » : formulation bizarre, même en Chine, qui inspire l’hilarité nationale. Puis le 09/02 au soir, Wang se rend par avion (1ère classe) à Pékin, accompagné (protégé) par Qiu Qin, vice-Ministre de la sécurité. Quelques heures plus tôt, une lettre signée de lui est apparue sur le site Boxun (dissident, aux USA), dénonçant Bo Xilai, « corrompu » et « pire chef de triade » et confirmant la remise «à qui de droit » de pièces incriminantes.
Clairement Wang et Bo sont entrés en conflit, forcément en lien avec la redistribution des postes dans le prochain pouvoir. Wang a pu faire pression, et celle-ci pu causer un retour d’hélice. Jouant le « tout pour le tout », Wang demande l’asile aux USA, contre « tout ce qu’il sait ». Il semble avoir voulu d’abord fuir le système et le pays, ce qui a priori dissipe la possibilité d’un complot ourdi depuis la capitale. Par contre, la diplomatie américaine a joué un curieux rôle d’entremetteur et les instances centrales ont réagi avec célérité, mandant, en personne, le patron du contre-espionnage.
Après ce scandale, les chances de Bo Xilai de promotion au sommet semblent évanouies. Jusqu’alors, il avait le vent en poupe. Chef du clan des « petits princes », il s’était imposé par sa gestion compétente de Chongqing et sa campagne « rouge » néo-maoïste depuis deux ans.
Pendant ce temps, 1000km plus au Sud-Est, Wang Yang, le secrétaire du Guangdong pavoise. En décembre 2011, il subissait une jacquerie à Wukan, suite à un détournement de terres par les cadres. Wang avait réglé l’affaire avec maestria en rendant une partie des champs et en permettant au village les premières élections libres du pays (ce qui ne pouvait se faire qu’avec l’aval express du sommet des instances). Du coup, il recevait, en février 2012, les visites de Wen Jiabao, d’Angela Merkel et de Stephen Harper, chefs des gouvernements du pays, d’Allemagne et du Canada…
Si nous faisons ici le rapprochement entre Bo et Wang, c’est que ces hommes sont outsiders pour une place au Comité permanent, et rivaux notoires. Mais Wang est proche du Président Hu, et Bo plutôt l’inverse. La différence de sorts, à huit mois du nouveau pouvoir, prête à réfléchir…
Sommaire N° 5