Avec la visite de Stephen Harper, son 1er ministre (07-11/02), le Canada enterre les années de vaches maigres avec la Chine. En 2006, les relations établies 33 ans plus tôt par Pierre Elliot Trudeau subissaient la crise universelle des démocraties face au régime autoritaire. Ottawa, qui voulait l’amener pas à pas vers l’Etat de droit, vivait mal son échec, et son opinion refusait le laminage de ses industries traditionnelles par les petites mains chinoises.
Si la crise est classique, sa durée l’est moins : au nom des Droits de l’homme, le pays à la feuille d’érable a gardé neuf années un froid glacial, Harper octroyant une citoyenneté d’honneur au Dalaï-lama (2006), et ignorant les Jeux Olympiques de Pékin en 2008. Mais comme dirait Racine, « sans argent, l’honneur n’est qu’une maladie ». Avec nostalgie, Harper (et surtout ses électeurs de l’Alberta) voyait passer les achats d’hydrocarbures de la Chine, sans pouvoir en être acteur.
Le tournant dans les relations intervint en juillet dernier : après 12 ans de procédure, Ottawa permettait l’extradition de Lai Changxing, le plus grand fugitif chinois, homme d’affaires accusé d’avoir fait perdre au Trésor public, par ses importations parallèles, 3MM$ de manque à gagner.
Vint ensuite fin 2011, le déclic provoquant le passage à l’acte : Barak Obama rejetait le projet d’oléoduc Keystone-XL, Alberta-Texas. Or depuis 7 ans, les groupes pétroliers chinois, de plus en plus sensibilisés à la sécurité d’approvisionnement, plaçaient de l’argent dans les sables bitumineux et gaz de schiste canadiens, pour 16 milliards de US$ ces deux dernières années… Il était temps de tirer les conclusions de ce rapport nouveau !
NB : pour vendre massivement à la Chine, il faudra encore (c’est prévu) créer un port en eaux profondes, et un oléoduc…
On commence donc par épurer les vieilles revendications. Harper et Wen signent le FIPA, traité de protection des investissements en souffrance depuis 1993. Encore rare de détails (on sait qu’il inclut une disposition d’arbitrage en cas de litige), il devrait être ratifié sans retard, pour permettre l’envol des rachats réciproques d’actifs, aujourd’hui maigres. En 2010, ceux du Canada en Chine s’élevaient à 5 milliards de US$, moins de 1% du total national. Mais Harper fit valoir que l’obstacle venait parfois du pays partenaire, telle cette participation de 19,9% de la Scotiabank dans la Bank of Guangzhou, aujourd’hui bloquée.
Le côté chinois a surpris les visiteurs en proposant au pas de charge un accord de libre échange. Une étude de faisabilité débute, et sera conclue en mai. Pékin demande, Ottawa accepte que débutent alors les discussions exploratoires. La Chine se prémunit ainsi contre l’accord transpacifique, dont les palabres débutaient en novembre, en son absence. La Chine guigne bien sûr le pétrole et gaz canadiens, mais aussi son minerai de fer, sa houille, sa potasse.
Dans ce climat de « confidence building », Pékin rouvre aussi les imports de boeuf des Prairies canadiennes, suspendus depuis neuf ans sous prétexte de vache folle. Il lui promet le prêt décennal de deux pandas (l’un pour le zoo de Toronto, l’autre pour celui de Calgary). Surtout, quelques 50 firmes des deux bords concluent pour 3 milliards de US$ de fournitures en tous genres : aviation, métros, télécom, pharmacie. Et l’accord de fourniture d’uranium par le canadien Cameco (de Saskatoon), en hibernation depuis deux ans, peut aller de l’avant. Il y en a pour 3 milliards de US$ là-aussi, et un bel avenir, vu la priorité chinoise à l’énergie nucléaire à court terme.
Sommaire N° 5