Après 30 ans de réforme, la santé chinoise sort méconnaissable. Jadis plutôt performant et égalitaire, le système s’est mué en un vaste marché aux soins, auquel les démunis n’ont plus accès. Les hôpitaux ont été contraints de s’autofinancer (via les ventes de médicaments). La prévention des maladies infectieuses s’érode depuis les années ‘80. En cause, surtout, la fermeture des grandes « danwei » (unités de travail) où l’encadrement serré facilitait les contrôles sanitaires.
Résultat : le nombre des séropositifs (492.191, voire 780.000), de tuberculeux (1 million) et de diabétiques (90 millions), explose.
Par bonheur, de nouveaux alliés apparaissent. Longtemps perçues comme un danger par le Parti, des ONG s’approprient un rôle clé dans le dépistage du VIH. Le 26/11, Li Keqiang, n°2 du PCC et futur 1er ministre, en recevait 12 au ministère de la Santé pour faire le point avec elles et les ministères. Avec ces partenaires, Li réfléchirait à réduire (ou supprimer) leurs impôts, leur confier certains services publics (éventuellement dès début 2013) et faciliter leur enregistrement légal.
Li veut créer un Fonds de prévention du Sida. L’urgence est là : 68.802 cas furent recensés de janvier à octobre 2012, dont 85% contaminés lors de rapports sexuels. Les plus fortes hausses sont relevées chez les cinquantenaires (+20,2%) et les 15-24 ans (+12,8%). Li promet aussi une meilleure prise en charge des remèdes, et de lutter contre la discrimination des séropositifs dans les hôpitaux et dans la société.
La tuberculose (TB) aussi, inquiète. Moins par ses 120.000 malades de plus par an, que par sa multi résistance (TBMR), où la Chine détient le record, trustant plus de 50% des nouveaux cas. En Chine, trop de patients arrêtent le traitement avant terme, et trop de cliniques privées, mal équipées et mal formées font le mauvais diagnostic, permettant au mal de muter en une souche quasi invulnérable aux remèdes classiques.
Pour prévenir la TBMR, il faut sensibiliser les malades à l’impératif de discipline du traitement, et équiper et former les centres de soins. Pékin hésite à acheter le GeneXpert, efficace mais inabordable. Il place de grands espoirs dans la molécule du laboratoire nippon Otsuka – 1er remède nouveau en 40 ans, qui (une fois validé) permettra de réduire le traitement de 6-9 mois à 2 mois, tout en soignant (prioritairement) la TBMR.
Enfin, les diabétiques chinois sont trop livrés à eux-mêmes. Seuls 4 sur 10 d’entre eux savent contrôler leur glycémie (contre 7 sur 10 aux USA). Le patient chinois dispose pour se soigner de 150 € par an, contre 3750€ (x 25) aux USA.
Dès 2016, la Chine devra acheter pour 2,7 milliards d’€ (+20% par an) et la déferlante de cas du type II (liés à l’inactivité et à l’excès de calories) a triplé en 10 ans. Dans 18 ans, la Chine aura 40 millions de diabétiques de plus (total 130 millions), qui coûteront 21 milliards d’€uros chaque année, sous peine d’incapacité de travail ou de décès, laissant leurs familles à charge…
Face à ces catastrophes annoncées, l’Etat se prépare. L’assurance maladie universelle couvre déjà 95 % des Chinois. Et même si les niveaux de remboursements doivent être augmentés, c’est un lourd effort. Pékin triplera ses dépenses de santé (770 milliards d’€uros) d’ici 2020. Pour beaucoup, c’est insuffisant, mais c’est l’éveil—enfin !
Sommaire N° 40